Comme annoncé, les opposants à un 4ème mandat de Bouteflika ont, à l’appel du mouvement «Barakat», battu le pavé ce samedi 15 mars 2014 à Alger et dans d’autres villes du pays en scandant des slogans hostiles au régime tels : «ni Oujda, ni DRS, l’Algérie est plus importante», «Barakat, barakat, 50 ans, barakat», «pouvoir assassin».

Les forces de sécurité algériennes, présentes massivement, ne sont pas intervenues, contrairement à leur habitude, pour disperser ces manifestations pacifiques.

Il est vrai que ces manifestations étaient sous observation de la communauté internationale qui avait enjoint les autorités algériennes à respecter scrupuleusement la liberté d’expression et le droit de manifester pacifiquement.

Par ces nouveaux mouvements protestataires, qui viennent de secouer l’ensemble de l’Algérie, le peuple algérien, dans toutes ses composantes, raciale, ethnique et religieuse, vient d’exprimer son refus de se voir imposer un Président et un régime qui n’ont rien apporté et n’apporteront aucun changement à leur triste quotidien.

Des manifestations populaires scrutées avec grande vigilance par la communauté internationale du fait que les algériens installés à l’étranger ont organisé, eux aussi, des sit-in de protestations devant les ambassades et consulats d’Algérie à Paris, Marseille, Londres, Montréal et bien d’autres villes d’Europe et d’Amérique pour scander leur hostilité à un quatrième mandat pour Bouteflika.

Une réaction du peuple algérien qui a pu voir le jour grâce au mouvement «Barakat», une organisation pacifiste et fer de lance de cette contestation, dont la justesse de ses idées et l’écho de ses actions pénétrent toutes les catégories et couches de la société algérienne.

Cette union du peuple algérien, une première depuis l’indépendance de l’Algérie, face à la dictature stalinienne de ses dirigeants, constitue une nouvelle donne sur le plan politique.

Une communion populaire qui serait annonciatrice d’un printemps algérien et verrait enfin le peuple algérien reconquérir son indépendance usurpée dès 1962 par une clique issue de l’armée des frontières.

Un front qui montre également au monde entier une image inédite de l’Algérie, où se mêlent étudiants, enseignants, ouvriers, jeunes, retraités, chômeurs, fonctionnaires, musulmans, chrétiens, juifs, athés, hommes de gauche et personnalités dans un même mouvement de protestation pour recouvrer leur citoyenneté volée et instaurer enfin cette République Algérienne Démocratique confisquée depuis l’indépendance.

En effet, le peuple algérien vient, par ces manifestations, de décider de prendre son destin en main afin de faire entendre sa voix et de pouvoir choisir librement ceux qui  gouverneront demain l’Algérie.

Toutefois, l’actuel régime a-t-il les capacités d’écouter les demandes du peuple algérien ? Y accédera-t-il ? Ou alors, assisterions-nous à nouveaux à des journées dramatiques comme ceux d’octobre 1988 ou du Printemps Berbère d’avril 2001 ?

L’extrême violence des forces de sécurité algériennes observée lors des manifestations anti-Bouteflika, à l’exception de celle de ce samedi 15 mars 2014 suite aux mises en garde de la France et d’Amnesty International, est révélatrice quant à la décision qui sera prise par les autorités algériennes, hostiles à toute cession de leur pouvoir ou d’une partie.

C’est pourquoi, il existe une très forte probabilité d’une conflagration entre le peuple algérien et une faction des forces de sécurité qui continuera à soutenir le régime en place qui ne doit sa survie qu’au clientélisme, au maraboutisme et à  la corruption.

Une situation qui pourrait conduire à l’annulation pure et simple de l’élection présidentielle et à la mise en place d’une présidence collégiale de transition chargée de modifier la Constitution, de convoquer des législatives et enfin de préparer la nouvelle élection présidentielle.

Un scénario qui permettrait aux décideurs algériens de conserver les rênes du pouvoir comme en 1992 lors de l’annulation du second tour des législatives et les années meurtières et de non droit qui s’ensuivirent pour le peuple algérien.

Mais, la grande interrogation est de savoir si le peuple algérien se laissera une nouvelle fois berner par un système synarchique, passé maître dans la manipulation et les coups fourrés, qui régente le pays depuis plus de 50 ans.

La réponse sera délivrée au plus tard le 17 avril 2014 et il est fort à craindre que la contestation électorale fasse jonction avec la contestation sociale ; une hypothèse qui rendrait la situation incontrôlable comme c’est le cas à Ghardaia où un sanglant conflit communautaire entre Mozabites (Amazigh) et Chaâmbas (Arabe) perdure depuis un mois avec la complicité et l’aide des responsables algériens.

Au final, nul ne peut nier que l’Algérie est confrontée, depuis plusieurs mois, à une situation d’extrême dangerosité qui pourrait déboucher sur une déstabilisation aux conséquences effroyables pour le peuple algérien.

Aujourd’hui, les algériens veulent s’émanciper et refusent de rester indifférent au spectacle d’une scène politique marquée par la corruption, la violation des libertés et des droits humains, le viol de la Constitution, la négation de la volonté populaire, la dilapidation des richesses du pays et la transformation des institutions de l’État en comités de soutien pour le maintien de l’autocratie par la rapine.

Farid Mnebhi

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