La plupart des quartiers inondés devaient capter les eaux de pluie mais ils ont été transformés en zone d’habitation. Les gens ont habité dans des zones non aedificandi (zone non constructible) avec des complicités administratives ou territoriales. Et comme dit un proverbe wolof :  »l’eau n’oublie pas son chemin ». Dans cet entretien, Baye Salla Mar, Président du Parti de l’Alliance des Ecologistes du Sénégal (ADES) explique tout.

Inondations au Sénégal, Pourquoi la Persistance du Mal ?

Les causes peuvent être dues à la conjonction de plusieurs facteurs ; il peut y avoir inondation lors d’un débordement d’un fleuve ; en période de crues, lors d’une augmentation du niveau de la mer, par le biais de la recrudescence des phénomènes de tempête qui peuvent affecter les zones basses situées en bordure du littoral, lors des tempêtes liées au tsunami, lors de phénomènes qui sont liées à l’accumulation d’eaux pluviales, entre autres.

Le Sénégal est situé majoritairement en zone soudano-sahélienne, pour rappel, durant la longue période de sècheresse dans les années 70, beaucoup de personnes ont migré des zones rurales vers les zones urbaines. Amenant un phénomène d’urbanisation galopante. Aujourd’hui, nous avons noté durant ces deux voire trois dernières décennies, avec la variabilité climatique et les phénomènes météorologiques extrêmes liés aux changements climatiques, un retour des grandes pluies, avec parfois des cumuls de fortes pluies sur des périodes très courtes, accompagnées de leurs lots de pertes en vies humaines et de dégâts matériels, surtout dans les zones urbaines faisant que l’essentiel des villes sont soumises aux inondations. Force est aussi de constater qu’avec la variabilité climatique, ces phénomènes de pluviométrie sont devenus plus récurrents au niveau national avec une forte variabilité spatiale.

L’on se souvient des manifestations pluviométriques exceptionnelles du 26 aout 2012, avec 160mm dans la banlieue Dakaroise, dont 150mm presque en deux heures, de celles du vendredi 05 aout 2020 qui avaient causées un mort à Dakar, avec plusieurs quartiers de la capitale sénégalaise submergés par le ruissellement des eaux de pluie et d’autres entièrement inondés.

Aussi avec une croissance démographique galopante, les autorités n’ont -ils pas laissé les populations s’installer dans des zones inondables ; des zones peu propices, sans encadrement, sans accompagnement.

A cela s’ajoute le fait qu’en matière de résilience des territoires, nos centres urbains sont devenus un nœud de contradictions et d’incohérences. Ils sont caractérisés par beaucoup d’insuffisances dans le domaine de la planification urbaine et les investissements dans le domaine de l’assainissement ne suffisent pas. Un cadre institutionnel plus ou moins inadapté et des infrastructures en quantité et qualité non satisfaisantes pour le drainage correct des eaux pluviales, particulièrement à Dakar et dans sa banlieue où la récurrence des inondations urbaines se manifeste de plus en plus. La problématique des inondations s’explique, entre autres, par une forte occupation foncière dans les zones de terre basse, une nappe qui affleure parfois, une imperméabilisation des espaces urbains et une absence d’un système de drainage des eaux pluviales du fait des habitations irrégulières et anarchiques dans beaucoup de ces zones urbaines.

Comment en finir avec un problème qui dure depuis deux décennies ?

Pour cerner la problématique des inondations et la résoudre, il faut faire une analyse systémique de la situation. L’aménagement du territoire passe d’abord par l’aménagement de nos mentalités. Il est vrai que les services météorologiques alertent chaque année sur l’éventualité de la recrudescence de ces phénomènes climatiques et des événements extrêmes. Le changement climatique ne saurait à lui seul justifier ce phénomène récurrent d’inondations que nous vivons depuis des décennies.

Il nous faut prendre en compte les enjeux écologiques et environnementaux qui peuvent nous permettre de soutenir la résilience de nos territoires et la reconstruction de notre pays. Il urge de mettre la planification écologique et l’information climatique au cœur de nos politiques publiques, d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies locales de gestion des inondations dans les collectivités territoriales, de travailler sur des projets urbains avec à la base des aménagements urbains qui prennent en compte, les zones non aedificandi et l’écoulement des cours d’eau vers les déversoirs naturels. Il nous faut corriger les erreurs de planifications urbaines commises dans le passé, et éviter d’habiter dans des zones dites inconstructibles, repenser notre mode d’aménagement du territoire et d ’occupation des sols ; il nous faut en plus, structurer la démarche de nos politiques publiques autour du risque climatique. La multiplicité des acteurs et des interventions souvent divergentes et peu coordonnées sur le terrain ; aller vers une synergie d’actions dans l’intervention des acteurs me semble aussi être une piste importante à explorer ; et pour cela, il faut une ouverture d’esprit et de la générosité.

La responsabilité de l’ONAS ?

Il ne faudrait se cacher derrière les changements climatiques pour justifier nos manquements et nos mauvaises pratiques. Il est clair que les inondations peuvent être amplifiées par la présence d’obstacles qui bloquent les écoulements et les ruissellements sur des terres nues ou sur des surfaces imperméabilisées. Il est clairement établi, et c’est aussi largement documenté par les scientifiques, qu’il y a un lien de causes à effets entre les infrastructures et la vulnérabilité aux inondations. L’insuffisance, le vieillissement ou le manque d’entretien des réseaux de drainage des eaux pluviales et d’assainissement sont déterminants dans la résolution de ce phénomène qui persiste et qui tend à être récurrent. Les autres causes qu’il faudrait rapidement pointer du doigt et corriger sont entre autres, l’état défectueux des routes, l’ensablement de la voirie, l’inexistence d’ouvrages de drainage des eaux pluviales dans certains quartiers, le sous dimensionnement de certains ouvrages existants ; l’inexistence de réseau d’assainissement des eaux usées dans plusieurs villes, l’insuffisance d’ouvrages de franchissement ; l’insuffisance dans la gestion durable des ouvrages de drainage des eaux pluviales. Dans ce cadre-là aussi, la responsabilité de l’ONAS et des populations locales est clairement engagée.

Avec pulse.sn

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