Un an après, je me suis résolu enfin à tremper ma plume dans l’encrier de mon amertume, de ma tristesse et surtout de ma douleur, face à l’immensité de la perte et la profondeur de la douleur ayant occasionné un grand vide tout autour de nous. C’est au fil du temps égrené que l’absence d’un être cher se concrétise et devient un manque réel. Manque face auquel, notre incapacité d’action se manifeste de jour en jour.
Pour la deuxième fois de ma vie, j’ai compris combien les choses pouvaient basculer en un laps de temps. Et comment les deux mondes étaient, non seulement, liés mais intimement séparés par une faible lueur d’espoir. Celui de s’agripper à tout prix avec toutes nos forces à ce qui nous est cher. C’est à ce moment-là précisé, où on vit l’espoir dans la projection de la rêverie pour parler comme l’auteur de « les rêveries du promeneur solitaire », Jean Jacques Rousseau.
On finit toujours par devenir seul face aux exigences de la vie en société d’abord, et ensuite avec la finalité de sa destinée face au seigneur souverain, maitre des Hommes et de l’Univers.
Ce fatidique jeudi 14 septembre 2017, encore, je fus face à l’étrange destin de la cruelle vie, je venais de perdre un père, une guide, un modèle, un leader et maitre à penser. DKL s’en est allé pour toujours laissant derrière lui une « famille » désespérée, désemparée mais résolument attachée à la volonté de Dieu. Le sevrage fut brutal tel un farouche coup de couperet.
Mon cœur est plein de sanglots, ma tête brouillée, les idées éparses et les jambes clouées à mes talons d’illusion, en scrutant le néant à chaque fois qu’un de nos échanges féconds et riches à tout point de vue y égard à sa haute culture me revenait à l’idée, je me suis rendu compte que je venais finalement de perdre à jamais mon idole.
La solitude forge un mental d’acier, aide à façonner le croyant dans sa quête spirituelle à l’image du pèlerin à la quête de la LUMIERE SUPREME.
Père, Djibo Leyti KA l’a été pour moi, pour nous tous, disciples, militants ou simples sympathisants qui dès le début de son appel à la construction d’un Sénégal nouveau avaient cru en lui. Cette cohorte de fidèles et d’homme de valeurs qui l’ont accompagné jusqu’à son dernier souffle contre vents et marées. Ils étaient tous, toujours, là en dépit de la vicieuse vie politique sénégalaise avec son lot de mutations quotidiennes.
Toujours accueillant, avec au bout des lèvres une phrase pour détendre l’atmosphère, Djibo Leyti KA avait le sens de l’écoute et de l’humeur qui selon lui était un genre littéraire très difficile. L’épanouissement de son prochain était un idéal à atteindre plus qu’un sacerdoce de tous les jours.
Il fut sans conteste toute sa vie durant un homme d’Etat au service de l’Etat et de la République, porteur d’idées, d’ambitions et d’un projet de société pour son peuple. D’où la création de l’URD, cadre de matérialisation d’un tel projet si cher à des milliers de nos compatriotes.
Djibo Leity Ka s’était engagé très jeune dans l’action politique et du service public. Compagnon précoce du président Léopold Sédar Senghor dont il fut le directeur de cabinet, haut fonctionnaire de l’administration, plusieurs fois ministres, députés, chef d’institution consultative, il fut un véritable enfant de la République.
Dépositaire du legs de feu le défunt président Poète, Léopold Sédar SENGHOR, Djibo Leyti Ka avait, toute sa vie durant et dans les moindres détails, le sens de la méthode et de l’organisation. Il disait que SENGHOR était une école de la méthode et de l’organisation. Et lui, il en était la bibliothèque.
« L’action suppose toujours la connaissance du détail ; on n’agit pas dans l’abstrait, on ne marche pas dans l’abstrait. » (Jean Jaurès, l’Armée nouvelle, avril 1911). Il avait compris très tôt cette assertion du grand socialiste, Jean Jaurès.
C’est ce qui explique cette affirmation dans son ouvrage (Un petit berger au service de la République et de la démocratie). Je le cite, « Tout au long de mon parcours, à la fois si court et si long, suivant la volonté de Dieu, je ne me suis jamais dérobé devant les difficultés et les épreuves rencontrées que, grâce à Dieu, j’ai pu surmonter.».
Djibo Leyti KA était socialiste quand il a quitté le Parti socialiste pour créer l’Union pour le Renouveau Démocratique (URD) parce qu’il ne voulait rien céder sur sa liberté. C’est pourquoi il estimait qu’un militant est « une liberté en mouvement ».
Djibo Leyti KA était socialiste lorsqu’il servait la République parce que comme Jean Jaurès, il était convaincu que « le socialisme, c’est la République jusqu’au bout ». Djibo Leyti KA était républicain jusqu’aux ongles. Ce qui était apparent dans toutes ses actions de tous les jours.
C’est à ce grand militant du socialisme qui a contribué à enrichir nos valeurs communes que je rends hommage tout en saluant la mémoire de l’illustre homme d’Etat qui s’est employé à concilier toute sa vie durant l’idéologie socialiste et l’impératif d’agir pour notre pays, le Sénégal. Ce fut avec la même hargne qu’il contribua sans relâche à l’édification des Etats unis d’Afrique.
Amadou Hampâté BA, le sage africain, disait : « En Afrique à chaque fois qu’un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brule ». Certes, Djibo Leyti KA n’était pas un vieux, mais, il était une véritable bibliothèque au sens occidental du terme, mais également et surtout celui africain. Il fallait l’approché pour voir combien l’homme était au fait des questions culturelles du continent et surtout celles en lien avec le pastoralisme.
Dans la vie d’ici ou d’ailleurs, et de certitude absolue, on ne perd que ce que l’on avait. Oui, j’avais un père ; j’ai perdu un père, comme l’a bien rappelée ma maman au bout du téléphone ce 14 septembre avec une voix aigüe et tremblante, tu viens de perdre ton père, Amadou sois fort!
En toute vérité c’est le Sénégal et toute l’Afrique qui ont perdu un de leurs illustres fils et valeureux défenseur de la République et de la démocratie. Le pays entier gardera de Djibo Leyti KA le souvenir d’un homme politique habile et courageux. Toujours prêt à assumer ses choix. Il fut surtout un grand serviteur de l’Etat et de la démocratie. Je le cite : « sans nous l’alternance aurait encore longtemps attendue.»
Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra, devant le Seigneur Souverain, nous répondrons aux pieds de son trône. De là, nous lui demanderons de divulguer hautement pour témoignage notre fidélité et attachement à Votre endroit, après LUI avoir attesté à la face de nos semblables qu’aucun homme ne fut plus républicain que Vous.

Amadou THIAM
amadouhamadythiam@hotmail.fr

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