La presse algérienne, arabophone et francophone, adopte depuis plusieurs mois une ligne éditoriale violemment xénophobe envers les subsahariens en situation régulière ou illégale en Algérie.
Cette presse qualifie tous azimuts le subsaharien «d’illégal», de porteur d’une menace multiforme pour la sécurité et la santé publique, de «faussaire», de «trafiquant de drogue», «d’escroc» ou de «proxénète».
On pourrait légitimement s’interroger si ces attaques systématiques des quotidiens algériens contre les subsahariens venus du Mali, du Niger, du Tchad, mais aussi contre des ressortissants venus d’Afrique de l’Ouest et de l’Est sont cautionnées par les autorités algériennes afin de justifier, au plan international, les multiples arrestations et expulsions massives de ces populations, dont de nombreux membres sont pourtant en situation régulière.
De plus, les témoignages recueillis auprès des migrants expulsés d’Algérie mettent en exergue le traitement inhumain, dégradant et humiliant dont ils sont victimes de la part des services de sécurité et ce, alors que nombre d’entre eux sont détenteurs de papiers en règle. Des arrestations et expulsions qui sont en totale contradiction avec les règles historiques, admises par l’ensemble des pays de la région sahélo-saharienne, qui imposent la liberté de circulation des peuples nomades et des touaregs entre l’Algérie, le Niger et le Mali.
Ces mesures coercitives violent également les accords qui régissent la circulation des personnes entre l’Etat algérien et les Etats subsahariens frontaliers. Ces accords stipulent que le séjour des ressortissants de ces Etats est régi par des textes officiels les dispensant des formalités de visa. C’est pourquoi nombre de saisonniers maliens et nigériens ont toujours trouvé une occupation professionnelle tout à fait légale en Algérie.
Cependant, le terrorisme et les conditions économico-sociales fortement dégradées en Algérie ont fait que les autorités algériennes ont trouvé en ces subsahariens le bouc émissaire idéal pour calmer la grogne de sa population.
En effet, l’instabilité politique et les conflits dans les pays limitrophes de l’Algérie ont fait que le Sud algérien est devenu un refuge pour ces populations subsahariennes où elles ont été cantonnées dans des camps sans aucune assistance médicale, alimentaire ou sanitaire de base.
D’autres ont pu rejoindre des villes au Nord-Ouest du pays (Oran, Tlemcen, Sidi Bel Abbes entre autres) pour devenir notamment des commerçants, ou des travailleurs dans le secteur du bâtiment et de la construction, une occupation lucrative qui a fait des envieux parmi la population algérienne en ces temps de chômage chronique.
Il est vrai que les réalités socio-économiques pour des millions d'Algériens, plombées par un chômage endémique et des inégalités sociales sans cesse grandissantes, préludent à un désastre dans ce pays en l'absence d'une stratégie claire de développement national.
C'est pourquoi les nombreux et violents incidents entre manifestants et forces de sécurité qui ont eu lieu récemment en Algérie laissent présager la poursuite de la répression dans les semaines et les mois qui viennent. Une situation qui suscite, d'ailleurs, les inquiétudes des organisations internationales de défense des Droits de l'Homme dont Amnesty International et Human Rights Watch.
Aussi face à un tel environnement de tension sociale qui va crescendo, notamment dans le Sud algérien, la presse et d’autres acteurs de l’ombre s’activent pour s’attaquer de manière inhumaine aux subsahariens et aux africains en les accusant d’être à l’origine de tous les maux de l’Algérie afin de procéder légitimement à des rafles et expulsions massives en violation des règles et accords internationaux ainsi que des droits humains.
La dernière expulsion massive en date vers le Niger a été celle décidée par le Wali (préfet) de la région de Ouargla et qui concerne 300 subsahariens. Une décision motivée par la mort d’un algérien lors d’affrontements contre des immigrés.
Il est à rappeler aux lecteurs que le dispositif qui mène à l'expulsion des subsahariens ne commence pas à Tamanrasset, d’où partent les convois, mais dans les différentes villes d’Algérie où ils ont été arrêtés, puis transférés de dépôt d’étrangers en dépôt d’étrangers jusqu’à être acheminés et rassemblés à Tamanrasset où la police algérienne décharge les expulsés avant leur expulsion vers le ghetto de Tinzawaten situé sur la zone frontière avec le Mali ou vers d’autres pays limitrophes.
En conclusion, il serait temps que l’Algérie respecte les règles internationales du droit d’asile et de protection, un droit d’ailleurs élevé en vertu cardinale dans la religion musulmane. Les subsahariens ne doivent pas être présentés comme source de tous ses malheurs Leur propre malheur leur suffit ! Il serait aussi temps que les organisations des Droits de l’Homme s’intéressent d’un peu plus près à la situation des subsahariens en Algérie. Des subsahariens souvent rackettés pour leur faire traverser la frontière algéro-marocaine ou algéro-tunisienne avec l’aval des autorités. Des frontières, aux dires des responsables algériens, pourtant hermétiquement fermées.
Il est vrai qu’en ces temps d’incertitudes politiques, Alger s’active à resserrer l’étau des libertés politiques en focalisant l’attention de la population sur des menaces extérieures. Par un tel comportement, on bafoue allègrement les règles élémentaires de la solidarité africaine. L’Algérie ne se déclare-t-elle pas pleinement africaine ! A suivre.
Farid Mnebhi