Le fils du dernier souverain du Djoloff fut une personnalité de premier plan. De son vrai nom Yeli Birayamb, Bouna Albouy Ndiaye est le fils du Bourba Alboury Biram Penda Ndiémé et de la Linguère Madjiguéne Bassine Ndiaye. Il est né à Yang-yang en 1878, et mort à Louga le Lundi 28 juillet 1952. Lors du combat du 29 juillet 1890 que son père livra contre les Français sur le chemin de son exil vers le Soudan, il est repris aux Maures par le colonel Dodds et ramené à Saint-Louis. Il a alors douze ans et est adopté par le gouverneur général Merlin, alors directeur des affaires politiques ; Ce dernier obtient du gouverneur du Sénégal l’inscription du jeune Bouna Ndiaye à l’école des fils de chefs à Saint-Louis. En 1894, il est envoyé au collège Aloui de Tunis ; son séjour est bref pour des raisons de santé. Le 17 décembre 1895, Bouna Ndiaye est investi à Yang-yang, à dix-huit ans, comme le plus jeune « Bourba » de l’histoire du Djolof. Cette nomination est confirmée en Janvier 1896, par décret du Président de la République Française.
LE BÂTISSEUR
De son règne, fût un grand bâtisseur. En construisant en 1930 près de 80 puits pour son peuple avec la moitié de son salaire et la participation de la Société de Prévoyance de Djoloff. En aidant les Djoloff-Djoloff à construire ensemble un chemin de fer de 128 km de 1928 à 1931. En construisant en 1931 à Labgar le premier bassin de rétention connu du Sénégal. En demandant à ses enfants de ne pas réclamer pour leur compte l’argent des chantiers du chemin de fer et des puits. En refusant pour les élections de novembre 1946 d’être le candidat du colonialisme pour battre Lamine Guèye et Léopold Sédar Senghor, avec cette phrase célèbre : « nous devons être moins égoïstes et ne pas toujours écouter ceux qui nous divisent pour pouvoir régner éternellement dans le pays. Il nous faut songer à l’avenir de nos petits enfants. Je n’autorise aucune personne à mettre mon nom sur la liste aux élections législatives ».
SON SACRIFICE POUR LA FRANCE
Dès le début de la déclaration de guerre de 1914, il s’est porté volontaire pour aller combattre en France. Devant le refus des autorités qui craignaient pour sa vie, il s’est engagé à un versement mensuel au profit des Blessés de guerre français, comme l’atteste un document signé le 30 Aout 1914 que son fils Mansour Bouna avait rendu public : « Je soussigné Bouna Ndiaye, chef de la province de Djoloff déclare autoriser Monsieur le Receveur Régional du Cercle de Louga à prélever mensuellement de ma solde une somme de cent (100) francs au profit des blessés français de la guerre. Je déclare que ce prélèvement ne devra cesser que trois (3) mois après la cessation complète de la guerre en Europe. » (Yang-Yang le 30 Aout 1914 Signé Bouna Ndiaye). Ce versement sera rapidement interrompu car un arrêté du gouverneur général en date du 5 Septembre 1914 le met à la disposition des autorités militaires comme adjudant interprète au 1er R.T.S. Une lettre du commandant du cercle de Louga à son fils ainé relate cette affectation : « À Pape Alboury Ndiaye fils de Bouna Ndiaye, Chef du Djoloff. Ton père a fait un premier versement de 400f pour les victimes de la guerre et comme il désespérait de pouvoir partir il m’avait adressé cette procuration pour toucher tous les mois 100 francs sur sa solde et en faire le versement à la souscription coloniale. Mais le gouverneur général a pu enfin lui donner satisfaction et il a été attaché comme adjudant interprète au Régiment de marche du 1er tirailleur sénégalais. Il va en France combattre les Allemands et d’un commun accord nous avons annulé cette procuration, il n’a plus besoin de donner de l’argent puisque peut être il versera son sang généreux pour la mère patrie. Il m’a prié de te donner ce papier pour qu’il te serve de leçon plus tard, tu verras ainsi combien le cœur de ton père était bon pour les Français. (L’administrateur, commandant le cercle de Louga 9 Septembre 1914)».
SA DIMENSION SPIRITUELLE
L’histoire de Bouna Alboury Ndiaye nous rappelle la vision d’un pèlerin à la Mecque à qui le Prophète Mohamed (PSL) s’adressa en ces termes il y a quelques siècles : « cette année il y a eu prés de 400.000 pèlerins et Dieu a accepté leur pèlerinage à cause d’un Irakien qui renonça au pèlerinage en échangeant les pièces d’or destinées à son voyage pour acheter du sucre et du blé afin de nourrir les habitants de son village frappés par la famine » : En effet, En 1928, Bouna décida de se rendre au pèlerinage à la Mecque avec 50 personnes, grâce au remboursement perçu du Gouvernement du Sénégal pour leur cote part destinée au forage des puits entrepris depuis 1906 au Djoloff, et au nombre de 70 environs. Cette année là, le Djoloff fut frappé par une grande famine et Bouna renonça à ce grand pèlerinage, et avec son pécule acheta du riz et du mil qu’il distribua à son peuple sous forme de prêt. L’année suivante, à la suite d’une bonne récolte, il annonça que les prêts consentis ne seront pas remboursés car l’argent était son pécule pour son pèlerinage à la Mecque. Cette famine, rappelle qu’en 1906 Bouna trouva au cours d’une tournée un village ou les habitants exténués ne pouvaient ramper pour sortir de leurs cases. Cette tragédie le fit renoncer à la moitié de son salaire pour creuser des puits a travers le Djoloff jusqu’à son renoncement du pouvoir en 1935 pour se consacrer à l’adoration d’ALLAH (swt). La dimension spirituelle de Bouna Alboury était, en réalité, incommensurable. D’ailleurs, il n’y avait pas en son temps, une tête si haute ou si fière qu’elle fût, qui ne le saluait avec dévotion comme si sur son front, la main de Dieu, presque visible, avait posé deux couronnes : l’une qui est faite d’or et qu’on appelle génie royal, et l’autre qui est faite de Lumière et qu’on appelle génie religieux.
ADEPTE DE L’UNITÉ RELIGIEUSE AU SÉNÉGAL
Est fait Moukhadam Tidjaniyya par El-Hadji Malick Sy. Il octroya 200 hectares de terres à Cheikh Ahmadou Bamba à Mbacké Bari où repose Mame Maharame Mbacké et 200 hectares de terres à Serigne Fallou Mbacké à Touba Bogo. Il donna en mariage à Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké sa fille aînée Seynabou Ndiaye Bouna qui repose dans le Mausolée de Sokhna Aminta Lo et Sokhna Fatma Diop à Touba, auprès des tombes de Mame Diarra Bouna, Mbayang Bouna et Sokhna Aminta Lo Ndiaye Bouna. Il amorça le premier au Sénégal le dialogue islamo-chrétien en recevant à Yang-Yang en 1923 l’archevêque de Dakar, Mgr Jalabert, et à Louga en 1936 l’archevêque de Paris, le cardinal Verdier au lendemain de l’inauguration de la cathédrale de Dakar.
MANSOUR BOUNA NDIAYE – 28 JUILLET 2008 – 28 JUILLET 2016 : TEL PÈRE, TEL FILS
Un de ses enfants, Mansour Bouna Ndiaye s’était mis sur ses pas et s’attachait, comme ses frères et sœurs, à son héritage en demeurant inextricable à son enseignement. Comme son Père, il avait comme devise « Je suis fils de… n’est pas une médaille d’honneur à mettre sur la poitrine, mais un sacerdoce pour se mettre au service de son peuple ». « Cet homme faisait partie des premiers cadres de la coopération qui ont mis en place sous mon gouvernement les premières structures de l’économie rurale qui devait aboutir à la liquidation de l’économie de traite et à la libération de nos paysans », a rappelé Feu le Président Mamadou Dia dans un hommage à Mansour Bouna, le jour de son rappel à Dieu. A l’image de son père Bouna Alboury dont l’identité se confond avec celle du bâtisseur, Mansour Bouna s’était engagé à la tête de la Mairie de Louga qu’il dirigea longtemps, à poser les mêmes gestes : percer des routes, apporter de la lumière, assister, épauler, aider, etc. Fondateur du Musée d’histoire du Djoloff et de l’amitié France-Sénégal, il a reçu l’agrément de Son Illustre Père, Bouna Ndiaye Madjiguène Bassine et la bénédiction des Soufis. Son rappel à Dieu en atteste. C’était le lundi 28 juillet 2008. Son Père s’est aussi éteint un Lundi 28 juillet. Cette divine surprise est l’expression d’une sainte coïncidence qui renseignent sur la dimension cachée de celui que la presse a présenté, à son extinction, comme le Dernier Prince du Djoloff. Député à l’assemblée Nationale, la Loi Mansour Bouna a permis aux millions de musulmans sénégalais de jouir d’un lendemain de Tamkharite chômé et payé. Bouna Alboury croyait en la liberté. Son fils Mansour Bouna « croyait en la démocratie ». Tous les deux étaient humanistes et c’est cet humanisme qui est célébré dans l’hommage que leur rendent leur famille et les fils du Djoloff.
Mame Momar NDIAYE
Fils de Feu Mansour Bouna NDIAYE
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