Dakar, ville fantôme, Dakar sans charme, Dakar sans brouhaha. Touba, la capitale du mouridisme a ravi la vedette à Dakar par cette période du Grand Magal. La ville sainte est le point de mire et le lieu de convergence de millions de Sénégalais pour une semaine entière. Les activités économiques sont presque à l’arrêt dans le pays. L’événement officiel est en cours  ce mercredi. Mais des jours auparavant, Dakar se vidait déjà de son monde. Cette vacuité s’observera le reste de la semaine. Puisque d’aucuns voudront faire leurs prières du vendredi à Touba. Du côté des transports en communs,  à Dakar, c’est une période de vaches maigres à gérer. Cars rapides, clandos et taxis se cherchent.

 Reportage.

Mercredi 08 novembre. C’est jour de Magal à Touba, la cité religieuse de la confrérie des mourides. Jour de vaches maigres pour les transports en commun.  Dakar est clairsemée. En effet, une bonne partie de la population dakaroise a honoré  ce grand rendez-vous annuel. A cette occasion, Dakar s’est vidée de son monde, de ses bruits, d’une bonne partie de ses engins polluant aussi bien acoustiques qu’atmosphériques. Dakar respire mieux. Les avenues sont clairsemées, le trafic très fluide. Mais il y a quelques victimes. Nous sommes ici sur la voie de dégagement nord, la célèbre VDN. Habituellement, elle est bondée de voitures hétéroclites, source de monstrueux embouteillages.  Ce mercredi, en revanche, elle est très  aérée. Et le voyageur arrive à temps à destination.

Depuis les Résidence Mamoune, sis à Sacré-Cœur 3, jusqu’au rond-point unité 26 des Parcelles, la fluidité du trafic est sans commune mesure avec les jours précédents.  Ça roule non-stop. Les quelques rares voitures sur cette vaste avenue circulent librement. Les bus et surtout les quelques rares cars rapides peinent à faire le plein. Obligés de perdre plus de temps aux différents arrêts. Tant pis si  des passagers impatients boudent de perdre du temps.

Le temps clément, mais les affaires ne tournent pas

Il est 10 heures passé.  En cette fin d’été,  logiquement, le soleil est accablant. Mais spécialement et contrairement aux autres jours, le temps, aujourd’hui, est doux et un vent léger souffle sur la ville. La chaleur ne se fait pas sentir. Ce climat rappelle un jour d’hivernage. A tel enseigne que l’on serait tenté de penser que ce jour de Magal est si exceptionnel que la nature elle-même en  donne de vrais signes d’exception.

Nous traversons la VDN, quelques minutes après. Rond-point unité 26. D’ici, partent chaque jours une trentaine de taxis clandestins (clandos) en direction de Grand-Médine. Mais aujourd’hui, du  fait du Magal, ils sont moins d’une dizaine et les clients, eux, se font désirer cruellement. Nous trouvons Mamadou Hanne dans  sa voiture. Une toute petite. Il se met derrière comme pour dire aux éventuels clients qu’un passager est déjà installé et qu’ils peuvent se joindre à lui. Mamadou guette les clients.

Electricien travaillant pour des sociétés sur la base de contrats sur des chantiers, quand les chantiers s’arrêtent, il vient ici travailler comme chauffeur de clando. Chaque jour, Mamadou verse la somme de 6.000F au propriétaire de la voiture et se procure du carburant (5000F). Le reste des recettes lui appartient. Mais il a à la fin du mois un salaire. Quoique les clients se fassent désirer, Mamadou n’est pas prêt d’aller se garer. Pendant que nous discutions avec Mamadou, El Hadj  Ndiaga Ndiaye, vient à peine de garée  derrière sur le même alignement.  Face à cette rareté de client depuis ce weekend, Ndiaga Ndiaye découragé, lui est  prêt à aller se garer après avoir avisé le propriétaire de la voiture part téléphone. C’est depuis mardi qu’il a noté une chute libre de ses activités et cela devrait durer jusqu’au weekend prochain. Avec un salaire mensuel de 35.000F, notre interlocuteur doit verser la somme de 6000F et se procurer du carburant. Mais par ce temps de Magal ses  engagements pourraient prendre un coup.

Les cars rapides accroissent le nombre de tours

Pour ce papa de 52 ans, qui travaille depuis 20 ans comme clando, c’est la volonté de Dieu. « Je m’en remets à Dieu », a-t-il dit sous couvert d’anonymat. Vêtu d’une Jean noir et d’une chemise violette, il est resté pudique  et ne veut surtout pas discuter revenu. Contrairement à ses collègues, lui n’a pas de compte à rendre à un patron. Qu’il gagne ou qu’il perde par ces temps de vaches maigres, il ne versera un seul centime à personne. Plus nos questions ne tendaient à être plus personnelles, il  s’est engouffré dans sa voiture et avancement lentement sans nous dire au revoir et avant de fermer sa portière quelques secondes après.

Du côté des cars rapides,  c’est la même galère. La situation n’est pas particulièrement radieuse. Un vient à peine de se garer, avec juste deux personnes à l’intérieur. Nous abordons  Moussa Diop, l’apprenti qui scrute  tous les coins en quête de passagers en direction de l’université. Si hier, la veille du Magal n’était pas mal, aujourd’hui c’est le pire en termes de revenus. Mais lui et son chauffeur doivent se serrer les coudes parce que client ou pas clients, ils devront verser les 15.000F qu’ils doivent au propriétaire de car. Difficile de de parler recette de avec Moussa. Il dit ne pas avoir une idée de ce que ça rapporte par jour alors que c’est lui encaisse. Dans le même temps, il nous assure que ce n’est pas parce que cela est tabou.

En moins de 10 mn, un autre car vient de s’arrêter après le départ de Moussa. L’apprenti un jeune de mince de grande taille nous raconte qu’habituellement entre 5h du matin et 10h, il fait 4 tours et de 10h à 22h 5 tours. Mais ce moment de Magal, en l’absence de clients et la fluidité du trafic aidant, il risque d’aller à 12 tours.

Pour une bonne journée, de travail avec son car, il peut faire une recette journalière de 25.000F, les mauvais jours, il s’en tire avec 10.000F. Toujours est-il qu’il faut payer les 15.000F au propriétaire.

Noël SAMBOU

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