Un an jour pour jour, après la révolution historique de la Place Soweto qui a mis en exergue la maturité des Sénégalais, nous sentons la nécessité de nous appesantir sur quelque leçon non retenue par des politiques. Fille du 23 juin 2011, la tempête de février-mars 2012 fatale au régime de l’alternance a jeté les bases d’une nouvelle citoyenneté. Ce faisant, intéressons-nous à la situation ubuesque du département de Linguère qui du reste semble valable pour l’ensemble du pays à bien des égards.
Ici, Aly Ngouille NDIAYE, comme un fleuve en furie est en entrain de tout emporter sur son passage. Sans discernement aucun, il rafle tout : la bonne graine et l’ivraie. Certes, le Mouvement pour la renaissance du Djolof (MRD) se renforce. Mais, il est désolant de constater l’immixtion en politique de pareille entité qui devait rester ce forum permanent c’est-à-dire un espace apolitique de synergie des forces et de l’intelligentsia du terroir. L’homme a créé son mouvement et choisi sa route. On ne peut lui en tenir grief.
Cependant, là où le bât blesse, c’est qu’entre lui et les ex responsables du régime de WADE, une nouvelle relation est tissée. Des adversaires d’il y a trois mois se font la bise au nez et à la barbe des citoyens. Que peuvent-ils bien leur raconter pendant cette campagne électorale ? C’est le grand marché de dupes : qui perd gagne. A ce jeu, perdra le pouvoir qui veut : chassé en toute démocratie par la porte des urnes, l’on revient par effraction à travers la fenêtre de la transhumance. Nous ne reviendrons pas sur la transhumance, escroquerie de la démocratie ; elle n’est pas l’objet de cette tribune. Convenons toutefois que quand on perd le pouvoir, l’on doit s’opposer : analyser sa défaite, opérer sa mue, souffrir la traversée du désert, aller à la conquête des suffrages et attendre le grand soir pour revenir triomphalement par l’élection, la respiration de la démocratie.
Ainsi, il est entrain d’ores et déjà, de remettre en cause tous ces principes. Il transforme subrepticement le Mouvement en une officine de blanchiment de transhumant en mal de popularité ou en délicatesse avec la gestion des affaires publiques. En clair, le MRD se positionne comme l’antichambre dans la maison APR où l’on va laver plus blanc que blanc des politiciens jamais repentis toujours récidivistes avant de les présenter au chef comme butin de guerre. Eh oui, c’était une grande bataille que de faire face au régime de WADE lesté à juste titre de plus de tares que de vertus. Aly Ngouille l’a livrée. C’est un succès d’estime. Pourtant, l’on fait semblant de l’oublier : il n’était pas le seul encore moins le premier. Loin s’en faut. Amnésie, quand tu nous tiens. Le peuple des Assises dans le département de Linguère sait à quoi s’en tenir…
Au demeurant, que gagne Aly Ngouille qu’il n’a déjà obtenu ? Nous ne reconnaissons plus l’homme qui a tendu la main au Benno historique aux premiers balbutiements de l’APR Yaakaar. C’est un secret de polichinelle de dire qu’il compte dans ses connaissances des orfèvres en science politique et stratégie communicationnelle. Or, ce jeu de poker n’honore pas la… renaissance ni l’APR…Yaakaar encore moins le grand rassemblement du M23 qui a incité le peuple sénégalais « à se prononcer sans que WADE ne daignât renoncer ». Renaissance suppose un nouvel élan dans lequel l’on s’appuie sur le socle des bonnes pratiques de son passé pour attaquer résolument les défis du lendemain. Et le Yaakaar des Sénégalais est immense qui attendent « de véritables ruptures dans la façon de gérer notre pays » et réclament « la nécessité de changer d’hommes et de méthodes ». Honni soit le système des vases communicants politiques!
Hélas, toute la presse notamment en ligne fait état de ses recrutements massifs ou des ralliements successifs par son entregent d’anciens libéraux et de rénovateurs. Cela, à nos yeux, est une posture politiquement incorrecte et éthiquement suicidaire. Il est inconcevable de s’entourer des gens qui il y a à peine un trimestre étaient infréquentables à vos yeux et à nos yeux parce que voués aux gémonies. Cette stratégie même payante électoralement s’entend, dans l’immédiat – et nous n’y croyons pas- frise le ridicule et est empreinte de cynisme. En effet, ces gens- là, le peuple sénégalais les a démis en leur tournant démocratiquement mais ostensiblement le dos pour un mandat au moins et ils ont le devoir de rendre compte à ce même peuple de leur gestion à des degrés divers. Il ne sied pas de les coltiner soi disant que la politique ; ce n’est pas de la soustraction, c’est de l’addition. Mais qui payera la note si ce n’est le citoyen meurtri et désorienté ? A ce rythme, l’addition sera très salée pour les partisans d’hier et restera en travers de la gorge de l’ensemble des alliés à coup sûr. On a beau avoir tous les leaders politiques dans son giron, ce n’est pas suffisant pour gagner des élections. Les citoyens ont le dernier mot par le suffrage universel.
En outre, le combat politique est une épreuve, l’exercice du pouvoir un sacerdoce. L’un ne supporte pas le reniement, l’autre commande le sacrifice. Faire de la politique n’est pas une mince affaire contrairement à ce que racontent les partisans aveuglés par leur attachement et adeptes des artifices. On peut faire de la politique sans la subir. Il n’y a pas de pire coup tordu qu’un meeting de ralliement, surtout qu’au lieu de raser les murs, le transhumant a le verbe haut et clair et que l’entremetteur ne se gêne point pour se mettre à son aise.
Donc, après avoir eu la confiance du Benno historique, que dira t-il à ses alliés? Au demeurant, que signifie cette OPA sur les ruines du régime de l’alternance ? Une course effrénée aux armements entretenue sciemment ou à son corps défendant, telle est la grande question ? Sous ce registre, il alterne le meilleur et le pire : il est philanthrope et machiavélique à la fois. Quelle ambivalence ?
Au fait, comment une mouvance qui a implosé au sortir des deux tours de la présidentielle de février-mars 2012, qui a été laminée presque partout peut-elle se relever victorieuse des législatives du 1er juillet prochain ? L’APR Yaakaar au premier tour et la coalition Benno Bokk Yaakaar au second tour n’ont-elles pas écrasé les FAL 2012 ? Les enrôler avec tout ce tintamarre est une stratégie très wadienne. Cette stratégie équivaut à scier la branche sur laquelle l’on est assis et qui plus est de l’irrespect ni plus ni moins envers le corps électoral qui a défait WADE et Cie. Imaginez un instant, Aly Ngouille battre campagne flanqué de l’ancienne garde de la Cap 21 et notamment le PDS. Pour dire : donnez la majorité à Macky. Inadmissible. Aly, le Djolof ne vous a pas porté aux nues pour cette farce de mauvais goût.
Sérieusement, Aly Ngouille doit arrêter hic et nunc. Mais, le vrai responsable, c’est Macky. Il le cautionne et adoube les transhumants qui en retour lui font allégeance. Et de surcroit, le casting est lancé sous les auspices de la république : un comble. Où est le M23 ?
Par ailleurs, à l’écho des rumeurs savamment distillées, un ami éminent politique subodorant la déferlante du retournement de veste me confiait quelques semaines auparavant avec appréhension toute sa gêne et sa tristesse d’avoir à travailler la main dans la main avec les ex libéraux et n’excluait pas de prendre du recul pour ne pas dire de se mettre en sabbat de la politique. En notre for intérieur, nous sommes persuadé que son opinion est largement partagée. Cette posture met mal à l’aise les alliés.
En définitive, au nom de quoi, sous couvert de massification, se laisse-t-on aller à saper les bases du contrat de confiance établi dans la vérité et la difficulté avec les alliés en recyclant les tenants du régime éconduit démocratiquement par les électeurs ? L’an I de la révolution du 23 juin nous enjoint à la rupture.
Bouna Sémou NDIAYE
gade07@yahoo.fr
Ampliation au président de l’APR Yaakaar
Bouna Sémou NDIAYE