Voilà, deux à trois mois que l’hivernage s’est terminé au Sénégal et que les paysans récoltent le fruit de leurs efforts. Contre toute attente, la moisson est loin d’être belle et abondante ; elle est même inquiétante et devrait attirer l’attention des autorités nationales.
Loin de tout esprit catastrophiste ou malveillant, l’observation objective et critique de la situation actuelle du Djolof nous pousse à nous inquiéter et à sonner l’alerte pendant qu’il est temps. En effet, après deux à trois mois de durs labeurs, les paysans ont plus ou moins fini aujourd’hui de récolter leurs champs de niébé, de béref (pastèque blanche), de mil, d’arachides et de quelques autres spéculations. Cependant, cette année, contrairement à celles qui l’ont précédée, le bilan est largement en deçà des attentes. Avec de forts regrets, les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs ; loin s’en faut. La plupart des semis, suite à une pluviométrie irrégulière et insuffisante, n’ont pas évolué favorablement jusqu’à leur maturité. Tel est le cas notamment pour le mil et l’arachide dans la quasi-totalité des régions du centre notamment au Djolof. Ainsi la majorité des paysans n’ont obtenu que des miettes alors que les plus chanceux ont vu les fêtes de Korité, la rentrée scolaire et la Tabaski engloutir leurs maigres rentes annuelles tirées du bradage séculaire à vil prix des récoltes. Comme toujours. Pauvres paysans d’Afrique qui vivez au rythme des saisons aléatoires !
De Thiargny à Gouloum , de Négué à Barkédji, le spectacle est le même. La récolte est mince, très mince. Alors qu’à cette période, d’habitude, les seccos de Gassane, Warkhokh et Linguère ne désemplissaient pas et grouillaient de charrettes pleines de sacs d’arachide. Aujourd’hui, les peseurs se retournent les pouces. Les braves femmes de Dahra abonnées nuit et jour au décorticage et à la trituration, le fameux seggal, ne savent plus à quel saint se vouer ; condamnées qu’elles sont à un chômage technique forcé. On peut le dire, il n’y a presque pas de traite d’arachide.
Dans cette zone à vocation sylvopastorale, le bétail a plus d’importance que toute autre activité socio économique car assurant la survie des populations. L’élevage est capital. A défaut d’un bon hivernage, tout Djolof Djolof souhaite qu’il y ait suffisamment d’herbe à brouter et des points d’eau permanents. Déjà, le tapis herbacé si ras en ce début de lolli commence à disparaitre ; pire, la crainte des feux de brousse récurrents étreint les ruraux. L’un dans l’autre, le présent présage des lendemains difficiles pour le bétail condamnant aussi l’éleveur à la transhumance plus tôt que d’habitude.
Si le gouvernement ne prend pas le problème à bras le corps le plus rapidement possible la vie de milliers d’hommes et de millions de têtes de bétail risque de devenir intenable. Les efforts consentis par les populations tout comme par l’Etat en subventionnant des semences encore insuffisantes seront hypothéqués. Des mesures palliatives sont nécessaires et urgentes si l’Etat ne veut pas courir le risque de voir des milliers de Sénégalais condamnés à l’exode rural, à la transhumance ou à la faim.
Une enquête démographique et un état des lieux permettront à des spécialistes de se faire une idée claire et nette non de la réalité incontestable mais de l’ampleur de la situation et estimer les besoins dans un délai raisonnable. Gouverner étant prévoir, l’Etat peut dès à présent mettre en en œuvre un plan d’action applicable en cas de besoin partout dans le pays où la situation l’exige.
Parmi les solutions à envisager peuvent figurer l’aide en vivres de soudure pour les hommes et l’alimentation pour le bétail d’ici quelques semaines étant entendu que la présente saison sèche sera très longue et pour cause : elle s’annonce dramatique pour le monde rural. Il peut en même temps être entrepris une campagne de développement du maraichage pour le compte des Asufor (association des usagers de forage) en subventionnant le prix du carburant spécialement pour les forages et en creusant ou réhabilitant les puits traditionnels qui, équipés de moteurs peuvent nourrir le monde rural et créer des sources de revenus alternatifs.
Les plans REVA et GOANA ne sont pour les populations du Djolof que de slogans vides de tout sens .Ces plans devraient à notre avis s’intéresser au développement du maraîchage dans la zone par une politique courageuse et hardie d’investissement pour la maîtrise de l’eau et de formation des paysans. Le maraichage peut en effet s’il est associé à l’élevage constituer une rampe de lancement du développement par l’apport de ressources additionnelles importantes. En outre, cette activité constituera un frein à l’exode rural et à la transhumance dont l’une des conséquences néfastes est la déperdition scolaire et le faible taux de scolarisation de cette partie du pays.
Par cette présente contribution, un simple citoyen soucieux du devenir de son terroir et de la vie de ses semblables voudrait attirer l’attention des autorités de son pays sur une situation qui, si l’on n’y prend pas garde risque, de laisser des séquelles profondes et malvenues.