En dépit des troubles sociaux qui naissent souvent de la présence locale des compagnies minières qui opèrent sur le sol sénégalais, l’Etat du Sénégal et le groupe Teranga Gold représenté par Sabodala Gold Operations SA dont il détient 90 % du capital et qui opère dans la zone de Sabodala, semblent avoir trouvé le bon filon pour un partenariat gagnant-gagnant. Le 31 mai dernier, les deux parties sont parvenues à un accord global qui devrait aboutir, à terme, à un meilleur partage. Mais des concessions lourdes ont du être faites des deux côtés.

Après un exercice 2011 difficile au terme de laquelle elle a enregistré des pertes d’environ 8 milliards de FCfa, la compagnie Teranga Gold Corporation qui détient 90% de SGO(Sabodala Gold Operations SA) qui opère au Sénégal dans la zone de Sabodala, a renoué avec les bénéfices. Au terme de l’exercice 2012, elle affiche un bénéfice de près de 40 milliards de FCfa. Des chiffres que nous avons pu glaner au-delà du rapport annuel de la compagnie publié récemment par la compagnie canadienne. Ledit rapport annuel fait d’ailleurs état des paiements faits à l’Etat du Sénégal au titre des redevances (3%), taxes sur l’emploi et autres paiements au gouvernement pour un montant de 8,8 milliards de FCfa, avec les 10% que celui-ci détient dans SGO, compte non tenu des 400 millions de francs CFA dédiée par la compagnie dans le cadre du Fonds social minier.

Aussi, Teranga Gold veut-elle aller plus loin en annonçant désormais, pour chaque année, un investissement de 800 millions de francs CFA en faveur des communautés vivant autour de la mine d'or de Sabodala. Ce à la faveur de l’acquisition d’une autre compagnie canadienne, Oromin limited company. Acquisition qui, aurait « un effet cumulateur», selon le directeur général de Teranga Gold, Macoumba Diop, qui s’exprimait ainsi avant-hier mercredi à Dakar, lors d’un échange avec la presse.

En somme, Teranga dit s’inscrire dans une dynamique d’augmenter les revenus de l’Etat dans l’exploitation aurifère de Sabodala et pour montrer sa « bonne foi », son directeur général annonce faire table rase sur l’exonération fiscale dont bénéficie Oromin, de même que celle de sa filiale SGO qui arrive à expiration en avril 2015.
La cerise sur le gâteau, c’est la redevance de 3% que la compagnie Teranga s’est engagée à rehausser à 5% à partir de cette année. Mais récapitulons.

Entre redevances, impôts sur les bénéfices, paiements de réserve, règlement fiscal, les paiements dus par Teranga au profit de l’Etat du Sénégal se chiffrent à 102 milliards de FCfa sur cinq années à partir de 2013. En incluant les nouveaux paiements dus à l’accord global intervenu le 31 mai dernier entre les deux parties et à la faveur de l’acquisition de Oromin et donc des paiements liés à OJVG, le compteur marque 208 milliards de FCfa sur la même période. Mais ce, sur la base d’une hypothèse optimiste d’un cours de l’or à 1600 dollars l’once. Or, pour l’heure, les cours sont au plus bas sur le marché (1300-1400).

Cette baisse des cours n’a d’ailleurs pas arrangé les affaires de la compagnie dont les pertes en 2011 sont d’autant plus imputables aux cours de l’or, mais jusque-là, les banques avaient imposé à la compagnie un schéma de hedging qui consistait à vendre l’or en deçà des cours. La bonne nouvelle c’est que désormais cette mesure serait levée.

Le big deal
Qui ne se souvient du contentieux qui a récemment prévalu entre les sociétés minières installées au Sénégal et le fisc sénégalais qui leur réclamait une taxe dite de Contribution spéciale sur les produits des mines et carrières (Csmc) qui est de 5% et que les dites sociétés minières avaient, dans un premier temps, refusé de payer? Il faut dire que l’institution, en pleine période électorale (octobre 2012) de ladite taxe, revêtait peu ou prou un caractère plutôt « illégal » parce que n’étant pas inscrit dans le code minier qui régit le secteur. Les conditions de clandestinité plus que suspectes, pour ne pas dire plus par décence, dans lesquelles cette fameuse loi de décembre 2011 a été votée, avaient fini de faire de ce contentieux et de ses répercussions médiatiques aux quatre coins du monde, un très mauvais signal pour les investisseurs potentiels nationaux et étrangers.

Toujours est-il qu’un investisseur ne s’assoit pas sur des œufs en or pas plus qu’un Etat responsable qui a tant besoin de ces investisseurs ne peut se permettre de tuer la poule… aux œufs d’or. Les parties ont du ainsi s’assoir autour d’une table et pondre un accord qui, au finish, a permis à l’Etat de « sauver la face ».

La compagnie Teranga a ainsi proposé de casquer l’équivalent du cumul de quatre exercices de cette taxe dont le pourcentage devra être dégressif. En plus clair, Teranga anticipe le paiement pour 2012, 2013, 2014 et 2015, mais sur la base d’un pourcentage qui passera de 5% en 2012 (4% en 2013 ; 3% en 2014) à 2% en 2015.

Par ailleurs, dans le cadre de l’accord, Teranga accepte le principe de la fin de l’exonération fiscale en 2015, même sur les nouveaux gisements ; mais alors que la compagnie n’a pas encore récupéré les 225 milliards FCfa investis, elle fait valoir qu’elle a du prépayer 1,8 milliard de dividendes à l’Etat, les actionnaires se serrant la ceinture. C’est en tout cas ce qu’à laissé entendre le directeur général de la société en jugeant cette politique « atypique » en la matière car, rappelle-t-il, « Les dividendes sont à payer après récupération de l’investissement et paiement des dettes. »

En un mot dans cet accord, la compagnie semble avoir beaucoup lâché tandis que l’Etat pour sa part, a accepté d’étendre la durée de vie de la Convention minière jusqu’en 2022 et de la validité de quelques permis de recherche (exploration plus ciblée = plus de ressource = valorisation immédiate = bénéfices socio-économiques). Il s’agira aussi pour l’Etat d’améliorer l’accès aux sites à l’intérieur de la Convention minière et dans les permis d’exploration envahis par les exploitants artisanaux qui ne procurent aucun revenu à l’Etat.
De plus, ce dernier devra faire avec la formule de compensation proposée par la compagnie pour sa « renonciation » à une participation supplémentaire.

Dans le code minier, l’Etat dispose de 25% supplémentaires de parts dédiée au privé national. Or, comme on le constate, l’Etat a tout le mal pour mobiliser auprès de ces privés nationaux les sous nécessaires. Il apparaît que pour un projet de 120 millions de dollars (600 milliards de FCfa), 25% représentent quelque 40 millions de dollars soi 20 milliards de FCfa. Il faut se lever tôt pour mobiliser autant d’argent auprès des privés nationaux qui, pour la plupart, rechignent sans doute à se risquer dans un secteur aussi capitalistique que les mines.

Tout compte fait, cet accord ne semble pas cher payé pour l’Etat du Sénégal. Au point où en sont les cours actuellement, ce sont plutôt les compagnies qui casquent au plus fort quand on sait que les coûts de production tourneraient aujourd’hui autour de 900 à 1000 dollars. Mais le propre d’une négociation n’est-il pas d’anticiper d’éventuelles remontées des cours ?

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