«L’heure est grave», alerte la Coordination des Associations de Presse (CAP) qui regroupe les grands ensembles des organisations de médias au Sénégal. «C’est tout simplement la liberté de presse qui est menacée au Sénégal. Depuis près d’une décennie, aucun acte structurant n’a été posé pour organiser, encadrer le secteur de la communication, notamment des médias», décrète la coordination en dénonçant «une stratégie du pourrissement savamment entretenue».

À cet effet, «la presse vit une crise multiforme avec des incidences néfastes sur son avenir et le devenir de la stabilité politique et sociale du Sénégal. Sous diverses formes, la liberté de la presse est sérieusement menacée», assènent les responsables de la coordination.

Eu égard à la situation alarmante des médias, la CAP se mobilise et préconise un plan d’actions pour une sortie de crise car soutiennent ces responsables: «Les entreprises de presse connaissent une crise qui se caractérise par une situation de quasi faillite. Beaucoup d’entreprises de presse sont aujourd’hui en cessation de paiement et ne peuvent honorer ni factures des fournisseurs, ni leurs obligations envers les travailleurs, encore moins leurs obligations fiscales. Plusieurs médias ferment, certains à peine nés. Les conséquences d’une telle situation de crise font que la presse est de plus en plus sous influence de différents lobbys. Ce qui est dangereux pour la démocratie dans n’importe quel pays»,

Pis, «la profession de journalisme est menacée, en raison de la situation économique et sociale plus qu’inquiétante des entreprises de presse. Les travailleurs vivent un véritable drame social. Les retards de salaire sont devenus monnaie courante et sont admis comme normaux dans certaines rédactions. Beaucoup d’entreprises de presse ne cotisent pas à l’IPRES pour la retraite des travailleurs des médias ou à la Caisse de Sécurité sociale. Plusieurs entreprises de presse n’offrent pas de couverture maladie à leurs employés. Même pour ceux qui sont considérés comme nanties ou privilégiées, la situation est très compliquée», déclarent les journalistes.

Et d’ajouter : «Du fait de cette crise, on assiste à une fuite des cerveaux du secteur de la presse ou à une clochardisation des hommes et femmes des médias. Ainsi, certains journalistes délaissent le métier dans le meilleur des cas. Et dans le pire des cas, ils sont exposés à la corruption. On constate désormais des relents de presse très partisane, ethniciste et/ou de connivence avec différends lobbys».

Sur la question «très sérieuse» de la publicité, la première source financière des entreprises de presse», les journalistes convoquent des concertations qui devraient déboucher vers la réforme de la loi 83-20 du 28 janvier 1983.

«En plus de la mission de service public que nous remplissons, nous voulons une consolidation des emplois créés et un secteur aussi crédible. À ce propos, la presse devra connaître un retour d’ascenseur. Sans elle, notamment les médias privés, il n’y aurait pas eu les deux alternances de 2000 et 2012, on ne parlerait peut-être plus de démocratie au Sénégal. Nous nous battons tous les jours pour l’avancée dans les autres secteurs, une évolution qualitative sur tous les plans. Aujourd’hui, il est grand temps que tous les acteurs travaillent sur un plan national pour sauver la presse», martèlent-ils.

Abordant l’aide à la presse, la CAP relève une problématique et soutient que «non seulement les 700 millions FCFA alloués annuellement aux organes de presse sont insignifiants, mais sa répartition constitue une vraie nébuleuse». «La loi est bafouée par le ministère de la Communication qui est supposée la faire appliquer», dénoncent les responsables qui proposent
«au lieu d’une aide à la presse, un véritable plan de sauvetage des médias au Sénégal qui prendrait en compte le financement, la fiscalité, l’apurement des passifs sociaux, l’environnement juridique, la publicité, la rémunération de la mission de service public des médias privés».

La CAP qui pose un problème de principe sur la gestion de la Maison de la Presse, relève «encore une fois de plus un manque de considération de l’État vis à vis des professionnels des médias» car «dans tous les pays du monde, les Maisons de la Presse sont gérées par les organisations professionnelles ou en concertation avec elles».

«La Maison de la Presse est une revendication des acteurs de la presse satisfaite sous l’ancien président de la République. Une concertation initiée par le ministère de la Communication d’alors avait élaboré les principes de la gestion de la Maison de la Presse, son organigramme, la désignation de son Administrateur, etc. Depuis, le ministère de la Communication a fait table rase de cette concertation et initié une gestion autoritaire de la Maison de la Presse», fulminent les journalistes en regrettant «l’ostracisme dans la gestion de cette institution dédiée à toute la presse».

«Ces différentes entités, qui ont beaucoup œuvré depuis des années pour la mise en place de cet acquis, ne peuvent comprendre, ni accepter de n’être associées à rien, alors que la Maison de la Presse revient de droit», insistent-ils en invitant le Chef de l’Etat qui avait lui-même initié l’atelier de Somone, au respect de l’esprit de ces conclusions afin qu’on puisse parler «véritablement de Maison de la Presse».

Pis, pour la CAP, le Code de la presse qui est une des questions les plus importantes pour le secteur, ne préoccupe point nos autorités étatiques.

«Nous avons l’impression qu’elles n’ont pas intérêt à ce qu’on fasse régner l’ordre dans ce métier. Le président de la République a pris plusieurs fois des engagements qui n’ont jamais été respectés. Le ministère est plus préoccupé par la Culture que la Communication. Depuis les travaux de Saly en septembre dernier et quelques rencontres au ministère, nous n’avons plus aucune information sur l’avant-projet de texte», assènent les journalistes qui demandent «au gouvernement de dire où est-ce que nous en sommes du projet de code. Les organisations des médias avaient formulé des amendements pour garantir la liberté de la presse. Aujourd’hui, nous ne savons toujours pas si le gouvernement veut limiter la liberté de la presse au Sénégal».

En ce sens, les organisations professionnelles membres de la CAP, «fatigués du dilatoire et des volte-face des autorités gouvernementales sur toutes les questions qui concernent la presse» ont décidé «d’agir pour tirer la sonnette d’alarme et sensibiliser autant les citoyens sénégalais que les autorités étatiques».

Pour la journée internationale de la presse du 3 mai, la CAP va organiser une marche nationale des travailleurs des médias pour réclamer à l’État des négociations sérieuses sur ces points de revendication. Au préalable, durant tout ce mois d’avril une vaste campagne au niveau national et international sur les menaces qui pèsent sur la liberté de presse au Sénégal, sera déclenchée.

La CAP regroupe les organisations qui représentent les métiers de journaliste et de technicien des médias au Sénégal : APPEL (Association des Professionnels de la Presse en Ligne), CDEPS (Conseil des Diffuseurs et Éditeurs de Presse du Sénégal), CJRS (Convention des Jeunes Reporters du Sénégal), CORED (Comité d’Observation des Règles d’Éthique et de Déontologie dans les médias), CTPAS (Collectif des Techniciens de la Presse audiovisuelle du Sénégal), SYNPICS (Syndicat national des Professionnels de l’Information et de la Communication), UNPJS (Union nationale des Photojournalistes du Sénégal), URAC (Union des Radios associatives et communautaires du Sénégal).

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