« Pour bien gouverner, il faut être féru d’histoire et friand de prospective » recommandait le Général De Gaulle. Macky Sall et son gouvernement sont visiblement férus de routine et friands de louvoiement voire d’inertie. Manifestement, les Pouvoirs publics se montrent plus prompts à plancher sur l’amnistie fiscale en faveur de la presse qu’à anticiper sur les ondes de choc du futur statut de Kidal (capitale de la République artificielle de l’Azawad) en Casamance.

Au début du mois de mai, César Atoute Badiatte a planifié et exécuté la capture d’une équipe de 12 démineurs. Puis, il a accompli une belle opération de marketing politique en libérant rapidement les 3 otages de sexe féminin difficiles à immobiliser, sans risques, parmi les combattants sans compagnes, d’une rébellion trentenaire. Ensuite, il a imposé le défilé des négociateurs de l’Etat, reçu la visite des plénipotentiaires du clergé, et accueilli la Présidente de Geneva Call (Appel de Genève), Mme Elisabeth Decrey Warner flanquée de son conseiller politique, Pascal Bongard.

Bref, tous les ingrédients d’une fulgurante médiatisation – antichambre d’une internationalisation galopante – ont été réunis avec succès, au détriment du gouvernement qui fredonne inlassablement le fameux et surréaliste refrain : « Le processus de paix avance ». Mais dans quelle direction, il avance ? Vers le temple ou le tombeau de l’unité nationale ?

Ces questions sont d’autant plus lourdes de tourments que le dénouement de la prise d’otages soulage humainement mais fâche politiquement. Et hypothèque stratégiquement. En effet, le communiqué provocateur lu par un acolyte de César Atoute Badiatte, laisse perplexe. En voici un paragraphe alarmant : « Je libère les démineurs après la décision du gouvernement du Sénégal de respecter la ligne rouge, autrement dit, la ligne de démarcation ». On se croirait sur le 38ème parallèle qui coupe la Corée en deux : Corée du Nord et Corée du Sud.

Avec les lignes rouges entourant les zones rouges, ce sont des centaines de mètres carrés, c’est-à-dire des enclaves territoriales qui sont interdites d’accès et de déplacement opérationnel à l’armée nationale. Au moins verbalement. Comble d’inquiétude, ces gravissimes assertions sont non seulement relayées, mais également corroborées par des commentaires censés être très informés de certaines radios dites mondiales ou internationales. Le tout sur fond de mutisme gouvernemental.

Toujours au chapitre de la souveraineté faiblement préservée en Casamance, le Sénégal a poussé l’américanophilie jusque dans les limites ultimes, en tolérant que l’ambassadeur des Etats-Unis à Dakar, désigne parmi ses collaborateurs, un Monsieur Casamance du nom de James Bullington qui aurait joué sa partition dans l’épilogue de la prise d’otages. Question : est-ce que Mankeur Ndiaye va nommer un Monsieur Corse parmi les diplomates sénégalais à Paris, ou un Monsieur Guantanamo au sein de notre ambassade à Washington ?

Que l’attaché militaire ou le chef d’antenne de la CIA à Dakar s’intéresse au dossier casamançais, c’est dans l’ordre normal et secret des choses ; mais qu’une chancellerie étrangère désigne, sans aucun paravent, un Monsieur Casamance, c’est formellement attentatoire à notre souveraineté.

Certes la situation de l’Etat n’est pas des plus commodes ; puisqu’il a signé et ratifié la convention ou le traité d’Ottawa, respectivement le 3 décembre 1997 et le 24 septembre 1998. Ce qui implique des engagements et des servitudes dans la lutte contre la prolifération des mines anti-personnel. Toutefois la Constitution qui consacre l’indivisibilité du territoire et l’inaltérabilité de la souveraineté, laisse une étroite marge de manœuvre dans le champ des possibles et / ou potentielles concessions à faire au Mfdc.

Or force est de constater que la persistance du confit, d’un côté et la politique velléitaire de l’autre, constituent de redoutables facteurs d’érosion de la souveraineté et de l’unité nationales. Car, si « le déminage est tributaire des négociations de paix » comme l’assène César Atoute Badiatte, c’est le syndrome de Kidal qui guette le sud du Sénégal.

Hier, 14 juillet, l’armée malienne a défilé sur les Champs-Elysées à Paris, mais elle est encore interdite de patrouille chez elle, dans les faubourgs de Kidal. Pour cause de lignes rouges fixées par les Touaregs. On sait depuis Etiemble que « comparaison n’est pas raison ». Mais la comparaison peut avoir une valeur heuristique, c’est-à-dire pédagogique.

PS : Le pied de nez de César Atoute Badiatte choque d’autant plus l’opinion qu’il fortifie le sentiment que le GIGN de la gendarmerie, la BIP de la police et les CRAP du Bataillon Paras sont faits pour casser du thiantacoune ou arrêter Hissène Habré. Deux missions peu glorieuses pour la crème des forces de sécurité et de défense.

Babacar Justin Ndiaye

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