Suite au refus des leaders de Manko Wattu Senegal de se plier à un vieil arrêté ministériel exhumé pour la circonstance interdisant toute manifestation entre l’avenue Malick SY et le Cap Manuel, tout semble concourir à faire de l’après-midi de ce 14 octobre, ce que les américains appellent «a dog day afternoon», où les manifestants de l’opposition risquent de subir une canicule étouffante accentuée par l’effet asphyxiant des gaz lacrymogènes. Ce sera, dans tous les cas, une date marquante, dans la vie politique de notre pays, une sorte de nouvelle étape dans la dynamique de défiance à laquelle le pouvoir apériste est confronté depuis quelques mois.
Tout a commencé avec le reniement des recommandations de la CNRI, particulièrement celle portant sur la réduction du mandat présidentiel, puis la tenue dans la foulée d’un référendum devenu sans objet. Il faut reconnaître que seuls les thuriféraires du pouvoir apériste pouvaient encore accepter cette gouvernance calamiteuse tiraillée entre une intolérance manifeste vis-à-vis de toute forme d’opposition et la promotion de la transhumance envers les «porteurs de voix» de l’Opposition, qui acceptaient de se rendre à l’ennemi. On assista ensuite à des arrestations abusives, arbitraires mais surtout sélectives de centaines de militants libéraux, l’instrumentalisation flagrante des procédures judiciaires et juridictionnelles, ainsi que l’interdiction de marches pacifiques.
Il s’en suivit une victoire mitigée du Oui à une consultation référendaire du 20 mars 2016 portant sur un projet biscornu de réforme constitutionnelle, marquée du sceau d’un abstentionnisme massif, ressemblant, à s’y méprendre, à un désaveu politique. A un point tel que le président Macky Sall dut en appeler à un vrai faux dialogue politique pour se défaire du boulet encombrant de la traque des biens mal acquis. Résultat des courses : Karim Wade fut gracié dans des circonstances si nébuleuses, qu’elles allaient compromettre durablement les mesures de décrispation à l’endroit des libéraux et différer tout projet de mise sur pied d’un gouvernement de majorité élargie.
Entretemps, de nouveaux acteurs étaient apparus sur la scène politique, faisant preuve d’une ardeur de néophytes, occupant ainsi l’espace libéré par ce que certains journalistes appellent la gauche « caviardisée », allant de formations politiques marxisantes à une social-démocratie minée par ses querelles internes. Au nom de la raison d’Etat et par une instrumentalisation avérée des Institutions de la République, un leader de parti politique, inspecteur des impôts sera révoqué, sans raison valable pendant qu’un ancien premier ministre dirigeant une autre formation politique sera combattu à travers sa vie privée et interdit de sortie du territoire national.
Pendant ce temps, les stratèges du parti au pouvoir étaient en train de s’atteler à essayer de redorer le blason de leur formation politique terni par leurs mésaventures pré- et post-référendaires en montant en épingle l’élection au Haut Conseil des Collectivités Locales. Comment, en effet, se glorifier en 2016, d’une victoire à une élection au suffrage universel indirect ne concernant que des élus locaux déjà choisis lors des élections locales de 2014 ? Et de fait le miracle tant attendu – des effets de la corruption massive- ne se produisit pas et les résultats de l’élection des hauts conseillers ne firent que confirmer ceux des dernières élections locales, jusques et y compris la victoire de And Taxawu Dakar (abstraction faite de quelques votes sanction par ci par là).
C’est alors que fut ouvert un nouveau chapitre de la vie politique sénégalaise, en cours d’écriture, qu’on pourrait intituler «Twilight* : les vampires du pétrole» faisant état de l’implication d’un certain Frank Timis et du frère du Chef de l’Etat dans des scandales liés à l’exploitation des ressources minières nationales.
Si on ajoute à ce cocktail explosif, les suspicions légitimes pesant sur le pouvoir apériste de vouloir mettre en place un dispositif de fraude électorale centré sur une refonte unilatérale et biaisée du fichier électoral, on se rend compte qu’il est plus que temps pour les pouvoirs publics de revenir à la raison. Pour avoir cru pouvoir ignorer le diagnostic scientifique issu des Assises Nationales et conforté par la C.N.R.I, le régime apériste se trouve dans une impasse politique avérée.
La sanction populaire sans équivoque subie par le régime précédent pour ses pratiques de mal-gouvernance et de népotisme voire de dévolution monarchique du pouvoir rend irrecevable la démarche actuelle du pouvoir, qui croit pouvoir faire fi de décennies de combat démocratique en s’adossant à un quarteron de gérontocrates.
NIOXOR TINE
* Twilight : crépuscule / timis