Ce sera certainement très dur tonton d’écrire ces quelques mots sur une dimension de votre trempe mais c’est tout simplement de petits témoignages d’un neveu envers son oncle et idole. Je me suis réveillé ce matin avec cette triste nouvelle que j’ai lue sur facebook, ce fameux réseau social qui n’a rien fait de mieux que m’apprendre la mort de mon cher oncle.
La mort condamne le vivant, mais elle ne détruit pas tout. Il reste pour chaque vie, dès lors que celle-ci n’est plus, un petit quelque chose, soit d’avoir été. Tout défunt a vécu, et ce vécu, cette existence, qui s’arrête pour toujours, n’en est pas moins éternelle dans le fait d’être née et de s’être déroulée. On ne peut supprimer ce fait, pas même la mort ; la toute-puissance destructive qu’est la mort ne peut anéantir totalement, tel est le message de Jankélévitch dans son essai La Mort.
Moustapha Ngom, un homme qui a su, à travers des années à se batailler durement pour aujourd’hui trouver une place bien méritante dans tout le Djolof. Appelé Mouhamadou Moustapha NGOM, il se définit, tout d’abord comme un croyant profondément sincère, attaché aussi bien dans son pays que dans son Mankoo ; adepte de la sunna du prophète Mohamed (PSL) et fervent talibé mouride.
Discipliné, honnête, courageux, humble et modeste, à ces qualités paraphées d’une discrétion et d’une bonté inégalables, il a excellé avec un panache, une hauteur et une profondeur qui font de lui un canon de calibre exceptionnel. Très difficile dès le début et souvent seul dans le terrain, il a cru en lui sachant que la route de la réussite est parsemée d’embûches.
Homme exceptionnel, il s’est voulu, et, a été, pour son pays, pour sa famille, pour son quartier, comme pour ses frères et sœurs un être de chair et de sang, d’une bonté infinie, d’une générosité sans limites. Son implication exceptionnelle dans le sport lui a assuré une grande renommée dans tout le pays. Visionnaire, il a maîtrisé l’espace et le temps, dans une démarche positive fondée sur la foi et la patience.
« Que Dieu ait pitié de votre âme »
S’insurgeant contre tout mal, tonton Tapha adopte une conduite tout à fait positive qui part d’abord par le respect des gens avec lesquels il dresse un schéma politique, ensuite par une bonne et sincère collaboration et une reconnaissance de ses amis et voisins et enfin par une responsabilité et une droiture impressionnantes qui font de lui ce qu’il est devenu :
UNE VERITABLE FORCE PERSUASIVE.
Pour parvenir au but qu’il s’était assigné, Prési, comme on le surnommait, dut principalement axer son action sur le travail, gage d’une bonne formation intellectuelle et morale en ayant en effet toujours cherché à subvenir à ses propres besoins, matériels, c’est pourquoi il donne au travail toute son importance parce que capable entre autre d’assurer la vie communautaire qu’il entend asseoir dans toutes les parties de Dahra.
Ainsi tout au long de sa mission semée d’attaques de la part de certains, de maladies mais aussi et surtout l’impossibilité de rester à la maison pour s’occuper pleinement de ses enfants, Tapha en véritable prodige tend à élargir le champ de vision de sa population en essayant de vaincre les barrières de toute sorte susceptibles d’handicaper la marche de Dahra – d’où son implication très forte dans tous les secteurs de la vie du Djolof. Vous avez fait la fierté de tout le Djolof et le monde du sport car vos actions s’inscrivent grandement dans l’évolution fulgurante de Dahra qui a trouvé aujourd’hui sa place dans le sport national.
Mon écrit est loin d’être exhaustif Tonton, car comme on nous l’a appris en philosophie, le langage trahit la pensée et c’est sans doute ce qui se confirme à travers ce texte. Je suis dans l’impossibilité de tout dire de vous, TONTON, car je me vois en face d’un grand iceberg dont la face visible représente mes témoignages mais la plus importante se trouve submergée.
Tout cela pour dire que ces beaux témoignages ne sont pas octroyés que par un cœur généreux mais c’est le fruit des actes posés par un oncle de son vivant. C’est pourquoi, par delà sa dimension souvenir, ces écrits sont résolument tournés vers l’avenir. Comment dans ce monde aussi mitigé, ne peut-on pas s’interroger sur le sens d’une vie ? Dans cette cité multiforme : culture générale, savoir faire, savoir être et savoir devenir, nous espérons que Moustapha servira de modèle pour nos frères car tel est un des objectifs de mes propos.
Je ne saurais terminer sans dire quelques mots à tata Seynabou (Saye Gueye), à Adji Paya et à tous mes cousins (Ablaye, Bara, Khadim, Mourtalla) en leur témoignant mon admiration. Il n’est pas aisé de perdre un être aussi cher qu’un père, un époux, il n’est pas non plus aisé de faire face aux vicissitudes de la vie quand on est parents avec des enfants jeunes. Mais je sais le courage et la dignité avec lesquels vous essayez de relever les défis, aidés en cela par la foi.
Vous avez compris comme Dorset une incarnation de la sagesse dans Richard III, un des drames historiques de Shakespeare, que la solution ne réside jamais dans la lamentation face à l’irrévocable, mais dans la foi, foi en Dieu, foi en l’avenir. En tout cas sachez, vous parents et fils que tonton Tapha a dans ce quartier des amis sur lesquels vous pourrez toujours compter.
Peut être tonton Tapha s’est souvent rappelé du verset suivant : « qoûl : yata waf fâkoum malâkoul mawtil’ lezî wouk kila bikoum soumma ilâ rabbikoum tourdja’ oûne » (soûratous sadj – dati, sourate 32, verset 11)
Traduction : Dis leur : l’Ange de la mort, qui déjà vous a pris en charge recueillera un jour vos âmes ! Puis vous serez ramenés vers le Seigneur.
Oui l’Ange a bien récupéré l’âme de mon oncle qui a été purifiée. Il ne faisait que de bonnes œuvres et travaillait durement pour mériter une bonne place dans l’au-delà comme le montre le verset suivant : « am’mal lezîna âmenou wa amilouç-çâlihâti fa lahoum djan’nâtoul ma’wâ nouzoulam bi mâ kânou ya’maloune » (verset 19, sourate 32)
Traduction : Ceux qui auront cru et pratiqué le Bien, auront pour séjour, en récompense de leurs œuvres, le jardin du refuge éternel.
Voilà donc que la mort n’est pas absolue. Elle n’est que la conclusion d’une vie, un trait dans l’histoire sans être en mesure de néantiser celle-ci. Jankélévitch décèle également le petit quelque chose qui différencie le néant de la mort. Le vivant nous extirpe du rien absolu sans que la mort ne nous y renvoie absolument. Certes, dès lors que la vie est finie, nous ne sommes plus, mais nous ne redevons pas rien totalement, parce que nous avons laissé une trace indélébile, inscrite éternellement. Nous avons vécu et cela personne, ni homme, ni dieu, ne peut nous l’enlever. Le vécu est lui bien absolu car il ne meurt jamais. Il dépasse même le néant car celui-ci peut un instant ne plus être en s’effaçant devant le vivant, alors que le vivant une fois mort devient vécu et le restera pour toujours. Avec Jankélévitch, nous comprenons que la valeur de la vie n’est pas seulement liée au fait qu’elle ne dure pas, mais aussi et peut-être surt
out que la mort lui confère une dimension d’absolu, celle d’avoir été et ce pour l’éternité. Une fois vivant, à jamais nous sommes sauvés du néant.
Donc voilà tonton Tapha, vous resterez toujours dans nos esprits car vos actions demeureront éternelles. Notre coutume nous interdit de tout dire « lawla thiate Tonton » que le Bon Dieu vous accueille dans Son Paradis le plus élevé et que le prophète Mohamed (PSL) soit votre noble compagnon (AMINE).
Ton neveu Edouard
Canada