Déjà, il se faisait distinguer par son allure majestueuse, son éternel sourire, sa posture royale. De sorte qu’on ne saurait s’il fallait le qualifier de Roi des Saints ou de Saint des Rois. Ses montures allant de son cheval blanc, rappelant Al Buraq et qu’il avait baptisé Liimaan (la foi) à sa Mercedes 600 doublée de la version oblongue Impériale qu’il avait fini par appeler Liimaan aussi. En passant par la Command Car, la Chevrolet, la Lincoln, la Ford, l’Opel, la ID, la DS23. En parfaite harmonie avec son port vestimentaire. Jusqu’au mobilier intérieur qui se distinguait par son lit royal doré, un Baldaquin.
Ses épouses, les mères des Arifs étaient des princesses de facto ou de sang. Sa mère, Aicha, avait un nom mystiquement signalétique : Diankha. C’est-à-dire la vierge, comme la mère de Jésus. Ce qui fit que les talibés hispanisants de Baye l’appelaient Madre De Dios.
Son charisme était tel que tous les Rois et autres Chefs d’Etats qu’ils rencontraient devenaient instantanément ses disciples, ses serviteurs. De Nasser l’Egyptien à Bayero le Sultan de Kano, en passant par Kwame Nkrumah il en a toujours été ainsi.
Avant même son avènement, et du vivant de son père, Elhadji Abdoulaye Niasse le Grand, il avait du mal à se trouver à l’aise pendant la Wazifa. Car en récitant la Salatoul Fatiha sa poitrine émettait un bruit qui se situait entre le ronronnement d’un bolide et le rugissement d’un lion.
A son avènement, en 1929, avec la Fayda (mot qui signifie émanation ou déferlement), son premier acte a été de mettre fin à la croyance aveugle pour la remplacer par la connaissance intime et éclairée de Dieu. La Maarifa. Il banalisa, ainsi, l’accès à Dieu que l’on acquiert en intimité.
Très proche des gnostiques, sa distinction est qu’il est moins théorique. Il écrivit : « L’ignorance de l’essence divine constitue, en elle-même, le sens de la guidance ». Tous ses détracteurs l’ont, par la suite, rallié après avoir pratiqué en intimité les formules mystiques (dont la base est la salatoul fatiha) qui permettent à chacun de rallier l’Univers. En laissant derrière lui l’incertitude pour se trouver en plein dans le divin, au point de se confondre avec Lui. Ne serait-ce qu’un instant.
Des peuples et des peuplades de tous les continents se sont vus submerger par le credo Barhamien. Haoussa, Yoruba comme Sérères et Gnominka se retrouvent parlant en commun la langue Baye Niasséne. Se comprennent sans se parler, en psalmodiant, tous, à l’unisson le mot ALLAH. En en tirant un goût particulier et indescriptible car appartenant au domaine de l’Ineffable.
Né en octobre 1900, son événementiel commence de Taiba Niasséne la Franco-Sénégalaise où il est né avant d’être transporté nuitamment trois jours après à Keur Samba l’Anglo Gambienne distante d’une vingtaine de kilomètres. Et c’est là qu’il fut baptisé. Son père lui donna le prénom de son oncle maternel Ibrahima Thiam, l’érudit du XIXème siècle. Il était plus connu sous le titre de Serigne Kellel qui pendant son séjour au Djolof y eut un homonyme dont la célébrité allait suivre : il s’agit de Cheikh Ibra Fall.
Ibra Niasse, Ibra Fall : même homonyme et bien des similitudes.
Le père de Baye Niasse, Elhadj Abdoulaye Niasse Le Grand, l’avait soumis, en plus de la formation aux sciences islamiques, à un entrainement militaire. A l’instar de ses autres aînés, dont le plus âgé était mon père, Mame Khalifa Niasse. Ils savaient nager, monter à cheval, tirer à l’arc et au fusil. Savaient se camoufler et, surtout, adopter le langage des animaux pour communiquer entre eux sans attirer l’attention de l’ennemi.
C’est à l’âge de onze ans que son père l’a amené avec lui à Kaolack où ils se sont définitivement installés en provenance du village Niasséne de Sam, prés de Kaur en Gambie.
Il n’aimait pas côtoyer les grands champions de lutte de son temps. Mais lorsqu’ils passaient prés de son daara il en terrassait plusieurs d’une seule main. Alors qu’avec l’autre il continuait d’écrire le Coran sur une tablette fixée sur le dos de l’un de ses talibés.
A travers le monde entier, la controverse autour de lui faisait qu’on tînt des débats contradictoires sur sa doctrine.
Mais, très souvent, il n’y avait point de débat. Car dés qu’il apparaissait tous, ou la plupart, étaient en extase. Foudroyés par le seul sourire de cet homme de Dieu dont le moins qu’on puisse dire est qu’il était plus que convaincant. Il était percutant. Et, même, fracassant.
AHMED KHALIFA NIASSE