Résorber le déséquilibre entre le monde rural et les centres urbains, gommer les disparités entre l’informel et le formel, et rompre la dualité entre les services et les autres secteurs… En plus d’accroître la productivité et les exportations. Telles sont les pistes tracées à l’économie sénégalaise pour parvenir à l’émergence.


Le Sénégal dispose de ressorts pour pénétrer les voies de l’émergence. Il peut même faire plus que les 6,7% de taux de croissance prévu d’ici à 2015 par le Document de politique économique et sociale (Dpes) dans son scénario le plus optimiste. L’ingénieur statisticien Aliou Faye en dessinant cette perspective aussi prometteuse à l’économie sénégalaise, en arrive à la conclusion que le Sénégal peut atteindre une croissance de 8,2% du Pib durant la double décennie 2010-2030. Seulement, pour le directeur du Centre d’études de politiques pour le développement (Cepod), qui présentait une étude sur les transformations structurelles de l’économie sénégalaise dans le cadre des points économiques organisés par la Direction de la prévision et des études économiques (Dpee), l’économie sénégalaise doit s’engager dans des mutations structurelles. Une transformation structurelle de l’économie sénégalaise qui doit passer, selon lui, par la production de biens à forte valeur ajoutée. Avec comme mesures pour arriver à une forte croissance sur le long terme, l’articulation de l’économie autour de deux axes : l’amélioration de la productivité et le renforcement des exportations. A cette fin, des dispositions particulières doivent être adoptées à l’égard des exportations qui constituent « un facteur d’économie d’échelle, et d’accroissement de la productivité ».

L’étude faite par le directeur du Cepod a en outre révélé que les produits traditionnellement exportés (huile raffinée d’arachide, textiles, etc.) ne font plus recette. Les exportations trouveront leur salut, d’après M. Faye dans la diversification des produits et des destinations et dans l’amélioration de la qualité des produits. « Le renforcement des exportations doit se faire à travers les axes suivants : vendre plus dans les marchés existants en produisant et mieux la même chose, vendre de nouveaux produits, pénétrer de nouveaux marchés et les pays où les exportations sénégalaises sont en baisse », prescrit le directeur du Cepod. Classé par la Cnuced dans la catégorie des pays dits en retard, le Sénégal doit également opérer des changements fondamentaux dans le domaine industriel pour alourdir le panier de ses exportations de produits dotés d’avantages comparatifs comme les produits manufacturés ou à haute technologie. Ce qui permet à l’expert de déboucher sur cet autre impératif : la promotion des activités manufacturières en mettant l’accent sur les transformations. « L’économie sénégalaise est dominée par les services car les activités industrielles ont perdu leur importance. Mais le vecteur moteur de la croissance doit être l’entreprenariat et la création d’entreprise », estime M. Faye, soulignant qu’il faut, au delà des réformes visant à améliorer l’environnement des affaires, aller vers la promotion du réflexe de création d’entreprise.

Partir du monde rural

Cette même étude a permis de livrer une photographie des déséquilibres entre le monde rural et les centres urbains. Essentiellement tourné vers les activités agricoles, source importante de recettes, d’emplois et de devises à court terme, le monde rural se caractérise toutefois par un faible niveau de productivité et une faible contribution au Produit intérieur brut (Pib). Cependant, il ouvrirait des possibles inattendus pour peu qu’on veuille reproduire au niveau des villages, la stratégie du One village-One product (Ovop). Initiée au Japon, cette stratégie permettrait de développer les avantages comparatifs pour chaque village ainsi que son potentiel non utilisé.

Se pose par ailleurs le problème de la réorganisation du secteur informel. Afin de rendre plus performant ce secteur, le directeur du Cepod expose dans sa feuille de route deux axes de solutions. D’abord l’amélioration de l’environnement des affaires pour la formalisation des entreprises du secteur et ensuite l’application des lois et règlements. Sans oublier le renforcement du dialogue public privé ainsi que la mise en place de centre d’affaires d’intérêt public. Une exigence qui permettrait d’harmoniser le dispositif d’appui au secteur privé. Ainsi serait satisfaite une vieille revendication du président de la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Dakar (Cciad) et du directeur des Pme pour une meilleure efficacité des appuis financier et non financier au secteur privé.

Rendre opérationnelles ces stratégies ne demande pas de réinventer la roue, selon M. Faye. Car, note-t-il, le Sénégal dispose d’atouts non négligeables et d’avantages comparatifs comme l’efficience des marchés de biens, les efforts entrepris dans la formation, la stabilité macroéconomique entre autres. D’autant que les opportunités ne manquent pas dans l’artisanat, le tourisme, les Tics ou encore les téléservices. Encore moins dans l’agriculture et l’agro-industrie notamment où l’horticulture par exemple a vu sa production passée à 45000 tonnes contre 25000 tonnes. A preuve, avec 29% des investissements productifs agréés, les activités agricoles et la transformation étaient en 2009 en tête d’affiche des domaines d’activités ayant attiré le plus de flux d’investissements.

Seulement estime-t-on, des améliorations restent à accomplir car des soucis sont notés au niveau du déficit budgétaire et de la balance des paiements. Après un pic de 5,7% en 2006, le déficit est en hausse continue et a atteint 6,90% en 2011. Egalement, le déficit énergétique persiste malgré la mise en place du plan Takkal. S’y ajoute, la fragilité du climat des affaires sénégalais marqué par une série de ruptures abusives de contrats contrats (d’hydro Québec, de la Sentel) qui démotive les investisseurs et chefs d’entreprises du Privé.

Aujourd’hui, même si l’espoir est permis, il n’en demeure pas moins que les voies du salut sont encore lointaines. N’en déplaise au Président Abdoulaye Wade qui classe le Sénégal dans la catégorie des pays émergents selon des critères que lui seul connaît, « l’émergence » exige la création de conditions d’attractivité pour les investissements nationaux et étrangers et plus d’efforts pour la réduction des dépenses publiques et de l’endettement, la gestion rigoureuse des ressources publiques. C e qui est loin d’être le cas. Sans oublier la lutte contre la corruption, la promotion de la gouvernance et des infrastructures (énergie, routes). Comme quoi, l’économie sénégalaise n’est pas non plus à l’abri du pire.

 

Mamby DIOUF

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