Noël, promesse renouvelée de fraternité, les sénégalais en ont trouvé occasion et moyen de recouvrer en liesse leur unité d’origine. N’est-ce pas le début de nos humanités, celles de musulmans conciliants, dans l’espace tout aussi ajusté des compatriotes christianisés ? Dépassement des identités fluctuantes, l’appropriation collective de la nativité est prouesse humaniste et triomphe constant. Elle témoigne de notre capacité intrinsèque à vivre de bonne foi sans que la religion, dresseuse des sens, ne compromette la sympathique indulgence patriotique.
Mon pays n’est pas un pays, c’est un verger qui résiste aux pressions saisonnières. Venant de l’Est ou de l’Ouest, ces vents et marées, spécificités confessionnelles, laissent indemnes les plantages sénégalais apprêtés à l’enchantement de leurs prochains. Certitudes importées et imposées par la force des connivences, nous exigeons l’intégrité de notre propre amitié civique comme condition du nécessaire déploiement des ferveurs. La religion n’oppose guère, sinon elle ordonnerait bonnement de renoncer à toute intelligence. Ne laissons pas les greffons du verger, encrassés de travers et d’objections, nous polluer de leur laideur déniée.
Mon pays n’est pas un pays, c’est un cheptel de nobles disciples vers les pâturages, promesses et garanties de légèreté. Les herbages qui ravissent nos cœurs en communion sont nettoyés de toute confusion entre le repiquage, emportement qui bâillonne, et le boisement, abri qui raccorde. Jamais nous ne laisserons les contingences, les craintes du changement, les conjectures et les manies des subordonnés compromettre notre intime cordon.
Décembre, mois capteur de souvenirs, souvenir d’enfance heureuse, heureuses réminiscences des cohabitations simples de ce Sénégal riche de la complicité des frères noirs d’Afrique, chrétiens, musulmans et païens récalcitrants. Devons-nous répondre par le mépris ou de vive voix aux clameurs persistantes des provocateurs, échos des hurlements djihadistes, artisans du chaos? Décembre est enseignement et rassurance de plénitude. Voix du feu qui s’entend, feu incandescent des mèches imbriquées depuis les pangols du Sine-Saloum, décembre consacre notre réceptivité. Il est porte-fanion de la fraternité inaliénable des fidèles marquetés, bienséants et sobres.
Faut-il le rappeler pour s’y attacher davantage ? Noël, Pâques, Korité et Tabaski servent de prétextes pour tant de partages et autant de manifestations d’unité des cœurs nègres d’abord, coloriés de croyances ensuite. Aux baroudeurs semeurs de haines, nous disons : trop tard ! Nous avons déjà compris que la religion, moyen d’émancipation à l’absurdité de la vie, n’a pas vocation à nous diviser. Elle est, dans le contexte africain, substitut qualitatif à nos anciennes méthodes d’appréhension de l’univers.
Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est le creuset des rapports de toute chose à l’Homme. C’est un bastion de tempérances qui préservent des disputes futiles devant l’Éternel. Mon pays est un une toile précieuse, représentation qui apaise et fait sentir. Nous en louons l’amour rédempteur, nous y célébrons l’unité divine. En rangs serrés, nous fredonnons notre capacité de résistance à l’assaut du sectarisme mesquin et inepte. De Noël au Maouloud, nous restons vigilants, en prise avec nous-mêmes, pris d’humilité et de quête de sens.
La laïcité, morcèlement, ne peut satisfaire aux exigences de solidarité, de confiance et de respect des différences. Enthousiaste, prudent, quelquefois fougueux mais simple, voilà le profil du commun des sénégalais entichés de commun vouloir de vie commune.
Birame Waltako Ndiaye