La rencontre mémorable entre Serigne Saliou et Serigne Béthio s’est déroulée le 17 Avril 1946 dans le village de Tassète. Cet évènement marque le début du compagnonnage entre Serigne Saliou et Serigne Béthio, entre le Guide et son Serviteur. Cette date est à l’origine des immenses dons et bienfaits que Serigne Saliou donna à Serigne Béthio pour le plus grand profit de toute l’humanité. C’est cette fête que célèbrent, 74 ans plus tard, les thiantacônes sous l’hégide de Sokhna Aida Saliou Thioune.
Voici le récit hautement symbolique de cette rencontre, rapporté par Sokhna Bator Saliou Thioune, épouse et diauwrigne de Serigne Béthio :
« La rencontre du 17 Avril 1946 entre Serigne Saliou et Serigne Béthio s’est passée à Tassète. (…) Ainsi, une matinée de moisson, le Cheikh étant avec son frère aîné Serigne Guilé Thioune, au champ de son père, aperçut une calèche de passage. A son bord, un homme vêtu de blanc avec une écharpe blanche enroulée autour de son chef déjà couvert d’un bonnet noir ; un homme majestueux, dont la pureté et la grandeur sont incommensurables ; un homme remarquable mais humble qui, au-delà de son héritage spirituel (fils de Serigne Touba), était le réceptacle même de la réalité de Serigne Touba.
A la vue de cet homme, le Cheikh laissa tomber son sarcloir et accourut derrière la calèche, tel le fer au contact de l’aimant, attiré par une aura absolue. Serigne Saliou qui l’aperçut, demanda au cocher de s’arrêter et lui fit : « dit au jeune homme de venir me saluer ». Le cocher s’arrêta et, s’adressant au Cheikh, lui indiqua le nom de famille de Serigne Saliou, parce que dans la tradition culturelle sénégalaise, il est d’usage de prononcer le nom de famille des dignitaires, en guide de révérence, durant les salutations : « C’est Mbacké ! ». Serigne Saliou dialogua ainsi avec l’enfant :
– Comment t’appelles-tu ?
– (Cheikh) Béthio.
– Où habites-tu ?
– Dans le village que vous venez de traverser, Tassète.
– Et celui-là qui est resté dans le champ, qui c’est ?
– Mon grand frère Guilé.
– Tu connais la maison de Baye Isma Diouf (se trouvant à Tassète même)
– Oui
– Je vais au village voisin (Keur Cheikh Madiop) mais, ce soir, je serai de retour à Tassète, chez Baye Isma Diouf ; venez dans la soirée m’y trouver, ton frère et toi.
De retour dans les champs, le Cheikh et son frère Guilé, demandèrent à leur père la permission d’aller rejoindre « le marabout » Mbacké-Mbacké. Leur père qui était d’une sévérité connue dans l’éducation de ses enfants, leur interdisait de sortir à cause des jeux puérils et dangereux auxquels s’adonnaient les enfants de la contrée.
Alors qu’ils s’attendaient à un refus, il leur rétorqua que ces marabouts Mbacké-Mbacké étaient réputés pour leur sainteté et qu’ils pouvaient y aller.
Répondant donc à l’invitation, Serigne Béthio et son grand frère trouvèrent Serigne Saliou en compagnie d’une assemblée de dignitaires mourides, en train de faire du thé dit Wassalit. Ils s’assirent parmi l’assemblée. Les convives, qui connaissaient les vertus et les faveurs attachées à une tasse de théfait des mains de l’illustre dépositaire de Serigne Touba, s’attendaient à découvrir qui d’entre eux aurait l’insigne honneur de recevoir la première tasse, signe d’élection et de privilèges divins. Serigne Saliou leva cette première tasse tant sollicitée, esquiva les mains de convoitise tendues, ouvrant ainsi une brèche qui, à son bout, révéla le destinataire : l’enfant de Sokhna Bambi Thiam et Baye Couly Thioune, Serigne Béthio.
Cet acte posé par le Guide mouride créa l’étonnement général dans l’assemblée composée de disciples mourides de longue date, respectés de par leur expérience dans la voie. En effet, comment un jeune enfant peut-il attirer autant l’attention du Guide devant cette auguste assemblée de sages, de vieux mourides, alors qu’il ne l’a rencontré que quelques heures auparavant ? Par sa subtilité communicative, Serigne Saliou avait fait de ces dignitaires, sans conteste, les témoins d’une élection divine ! Ainsi, faut-il comprendre que ce garçon n’était pas seulement un enfant, mais l’Élu, le serviteur. Et c’est ce que Serigne Saliou a toujours montré : c’était lui le Choisi ! (…)
Cette soirée du 17 Avril 1946, Serigne Saliou avait fait préparer en l’honneur du Cheikh et de son frère, du thiéré watabor (couscous concocté le jour même accompagné de la viande provenant d’un animal licite fraîchement abattu). Il avait, comme pour la tasse de thé énigmatique, tenu à servir son jeune invité et son frère, de ses mains bénies et, demanda à ce que personne de s’avisât à partager l’écuelle qu’il leur avait réservée. Après qu’ils eurent fini de manger, le sommeil les gagna. Ils laissèrent ainsi leur hôte discuter avec l’assistance et s’endormirent sur les nattes étalées à même le sol. Mais quant l’assemblée se dispersa, Serigne Saliou ne les réveilla point ; il resta toute la nuit dans la cour de la maison de Baye Isma Diouf, à veiller sur ses deux invités, jusqu’au petit matin. N’est-ce pas révélateur, autant d’affinité et d’attention, un premier jour de rencontre, pour un petit bout de bois de Dieu, de surcroît, un « inconnu » ?
Dieu a dit dans le Coran : « Je parle à ceux qui réfléchissent ». ( …)
Cette rencontre signe le début d’un compagnonnage unique entre Serigne Saliou et Serigne Béthio, une relation d’amour indéfectible entre le Guide et son Serviteur. Le 17 Avril 2020 est l’occasion pour Sokhna Aida Saliou Thioune et sa communauté de rendre grâce pour la multitude de bienfaits dont ils ont bénéficié grâce à cette rencontre. Rendons grâce à Serigne Saliou !
Source: « Serigne Béthio, le Serviteur éteint en son Seigneur », Sokhna Bator Thioune, Edition l’Harmattan Sénégal, 2016
74 ANS DE COMPAGNONNAGE TERRESTRE ET CELESTE