Année après année, les familles demandent la réouverture du dossier judiciaire au Sénégal. Dès 2003, la justice l’avait classé, concluant à la seule responsabilité du commandant de bord, disparu dans le naufrage. Depuis l’élection de Macky Sall à la présidence, en mars dernier, certains responsables d’associations sénégalaises se mettent à espérer en voulant croire que le nouveau pouvoir « remettra sur la table » tout le dossier Joola.
Les familles en attente de justice
Cela fait dix ans que les familles se battent pour trouver réponse à leurs questions. Quelles sont les causes véritables du naufrage alors que le navire sortait des ateliers, après un an d’immobilisation pour réfection ? Pourquoi transportait-il près de 2 000 passagers, ce qui représente quatre fois plus que sa capacité ? Pourquoi les secours ont-ils mis dix-huit heures avant d’arriver quand tant de vies auraient pu être sauvées ? Jusqu’où remonte la chaîne de responsabilités ? Et que faut-il faire pour qu'à l'avenir pareille catastrophe ne se reproduise plus ?
Suite au classement du dossier par la justice sénégalaise, ce sont les familles des 22 victimes françaises qui ont porté plainte, en France. Une information judiciaire a été ouverte pour homicides involontaires et défaut d’assistance à personnes en danger. En 2008, neuf hauts responsables sénégalais de l'époque, civils et militaires, ont été visés par des mandats d'arrêt internationaux. Le régime d’Abdoulaye Wade avait alors menacé la France de représailles judicaires. En 2009, la Cour d'appel de Paris a annulé deux mandats d'arrêt pour cause d’immunité mais la procédure continue. La Cour de cassation doit se prononcer sur un éventuel procès en novembre prochain.
Diminuer le traumatisme et faire le deuil
Le renflouement de l’épave, localisée dans les eaux gambiennes, selon le Collectif des familles, avait été promis par les autorités, sous le régime d’Abdoulaye Wade. Cependant, l’opération n’a jamais été lancée.
Dix ans après, le traumatisme est toujours là et les familles des victimes ne peuvent toujours pas faire leur deuil. Elles n’ont de cesse de réclamer le renflouement du navire afin d’offrir une sépulture digne à leurs proches disparus.
Bineta Diagne s’est rendue pour RFI en Casamance d’où étaient originaires la majorité des victimes. Dans un quartier populaire de Ziguinchor, elle a recueilli le témoignage de Marie-Hélène Mendy, veuve, au chômage et élevant seule ses deux enfants. Elle a reçu les indemnisations proposées par l’Etat sénégalais – 10 millions de francs CFA (15 244 euros) par famille – mais elle réclame surtout, comme tant d’autres familles, du nouveau gouvernement sénégalais, le renflouement de l’épave.
Marie-Hélène Mendy
A perdu son mari dans le naufrage du « Joola ».
« Tant qu’il n’y aura pas de renflouement, le deuil ne sera jamais fait.
Ce terrible naufrage – la plus grande catastrophe de la marine civile jamais enregistrée – a également laissé plusieurs centaines d’orphelins. Peut-être 2 000, selon le Collectif des familles. Carine Frenk est allée à leur rencontre, à Dakar. Dix ans après, c’est toujours une déchirure. »
Marie Joséphine est aujourd’hui une jeune femme de 27 ans et vit avec ses quatre frères et sœurs à Keur Massar, en banlieue de Dakar. Elle avait déjà perdu sa mère quand le naufrage du Joola lui a volé son père.
Marie Joséphine
A perdu son père dans le naufrage du « Joola »
« Le pire, pour moi, c’est que je ne lui ai pas dit au revoir ».
Joachim Mendy a, lui aussi, perdu son père dans le naufrage. Il avait 12 ans au moment du drame .
Joachim Mendy
A perdu son père dans le naufrage.
« C’est vraiment en ce moment que je commence à vivre le naufrage du ' Joola '.
Les familles demandent enfin un mémorial à destination des générations futures. Le chantier d’un « mémorial » Joola avait été lancé, début 2002, mais les travaux sont aujourd’hui arrêtés. »